Le Contrat Social - anno V - n. 3 - mag.-giu. 1961

CHRONIQUE Le sort des 11 Nations Unies'' EN ACCEPTANT de participer à ce que le jargon politique actuel désigne sous l'expression de « conférence au sommet», c'est-à-dire en cédant au chantage permanent d'un pouvoir hostile qui siège à Moscou, les Etats-Unis et la GrandeBretagnecomme la France ont consacré le discrédit dont semeurent les « Nations Unies ». QueMM. Eisenhower et Macmillan n'aient pas voulu cela ne change rien au fait d'avoir admis que les affaires sérieuses se traitent en dehors de l'organisation précisément créée pour en délibérer. A leur corps défendant, ils ont rejoint de Gaulle dont le mépris envers l'O.N.U. s'exprime en attitudes boudeuses commeen brèves paroles qui, d'ailleurs, ne tiennent pas lieu de politique. D'autres colloques internationaux qui siègent à Genève ou ailleurs pour discuter de paix et de guerre, de désarmement ou d'expériences atomiques, contribuent à rabaisser l'O.N.U. au niveau de quantité négligeable.Cependant c'est la nocivité, non l'inutilité de l'institution, que le cours des événements met à l'ordre du jour. Il est beaucoup question, dans la presse et dans les milieux diplomatiques, du changement qui s'accomplit dans la composition de l'O.N.U. par suite de l'admission des pays récemment constitués en Etats indépendants. On entrevoit le moment où la majorité de l'Assemblée peut se déplacer pour servir l'impérialisme soviétique, ce qui paraît inévitable si la Chine communiste vient en grossir ·les rangs comme le préconisent en nombre croissant certains leaders politiques améric.ainset britanniques. On en oublie les principes qui devaient être à la base de l'O.N. U., et d'abord qu'il s'agissait à l'origine d'unir des nations, non des Etats incarnés dans un seul parti régnant par la terreur. En acceptant la fiction d'une Union soviétique supposée fédération librement consentie de nations indépendantes, et en lui attribuant même trois voix au lieu d'une, les fondateurs de l'O.N.U. admettaient d'avance le Congo, vague et fragile conglomérat de tribus disparates. Si l'on souscrit à la définition que Renan esquisse dans Qu'est-ce qu'une nation? combien d'Etats sont-ils dignes d'appartenir aux « Nations Unies» ? A la vérité, le c.asdu Congo ne devrait pas faire méconnaître qu'il y a maintenant en Afrique noire des gouvernements plus représentatifs. et respectablesque ceux des « blocs »dits commumste et afro-asiatique. Ils font à l'O.N.U. meilleure figure qu'un Khrouchtchev ou un Nasser, entre autres. Mais cela ne remédie pas à un état des choses dont les trublions professionnels sont seuls en mesure de tirer profit. Il va de soi que les communistes et leurs satellites ne pénètrent dans une institution que pour l'exploiter à leurs fins particulières; en l'espèce ils :usent et abuse~~de}eurs moyens de corruption, de leurs capac1tes d 1nfilBibli. teca Gino Bianco tration, au-delà des limites tolérables et rien ne justifie l'apathie, sinon la complaisance, des politiciens ou diplomates qui les tolèrent au nom d'une liberté caricaturale. Surtout rien n'excuse l'attitude des principaux membres de l'O.N.U. qui livrent la tribune à des propagandistes de la plus vile ' espece. Le tabou n'a que trop duré, car à moins d'un sursaut d'énergie et de dignité dans la majorité actuelle, les manœuvres d'obstruction et de sabotage entreprises par les communistes avec la complicité de faux neutres pour transformer le Secrétariat et envahir les hautes sphères de l'O.N.U. aboutiront au résultat visé par Khrouchtchev, celui-ci agissant pour le compte de la Chine communiste comme de l'Union soviétique, contrairement à ce qu'imaginent en Occident tant de compétences imaginaires. L'ObservateurdesDeuxMondes, cité dans notre dernier numéro, avait enfreint le tabou dès 1948. Dix ans après, W. Churchill ( également cité, même numéro) suggérait de modifier la constitution de l'O.N.U. sans guère susciter d'écho. D'autres voix s'élèvent depuis peu, qui devraient éveiller les esprits sérieux, à défaut de l'opinion publique, et en la carence des autorités gouvernementales. Raymond Aron, déjà cité lui aussi dans notre numéro précédent, revient sur le sujet dans le Figaro du 1er avril dernier et s'adresse aux Américains, qui ne le soupçonneront pas de mauvaises intentions : Comment ne voient-ils pas que la diplomatie parlementaire des Nations Unies présente les défauts réunis du parlement et de la diplomatie ? La démagogie y coule à pleins bords. Au lieu de politesse et de modération, la violence, l'indignation factice, la surenchère y sont de règle. N'importe qui accuse M. Hammarskjœld d'être un assassin sans même que la grossièreté soit relevée. Injurier à longueur de journée est un droit que, pour vingt-cinq mille dollars par an, un Etat improvisé achète en entrant. Quant les deux blocs se disputent un Etat faible, automatiquement chacun d'eux fabrique ou découvre un gouvernement légal auquel, conformément à la loi internationale, il porte aide et assistance. Quel que soit celui de ces gouvernements que l'organisation internationale reconnaisse, le bloc soviétique continue, lui, de reconnaître le seul qu'il préfère ... Au fur et à mesure qu'augmente le nombre des Etats indépendants d'Afrique, l'image que l'Assemblée générale donne de la société mondiale devient plus absurdement caricaturale... Chaque vote est le résultat de longues tractations. Des spécialistes font les couloirs du Parlement mondial comme les délégués des syndicats professionnels font les couloirs des Parlements nationaux. Quelle valeur morale attribuer à ces votes arrachés à force de promesses ou de menaces en rameutant des clientèles ? Le bloc soviétique n'a pas de peine à se désintéresser des votes qui lui sont contraires. Les

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