Le Contrat Social - anno V - n. 3 - mag.-giu. 1961

N. VALBNTINOV ET E. MACH xisme, vous y introduisez les histoires de fantômes des métaphysicien~, des réactionnaires bourgeois, de la « racatlle philosophante », selon l'expression choisie de Lénine. Pour faire face aux clameurs, nous crûmes bon : I. De montrer que le marxisme ne possède pas de théorie de la connaissance et que Plékhanov avait induit le Parti en erreur en faisant passer sa philosophie pour celle du marxisme, alors qu'en réalité elle est contraire à l'esprit réaliste de ce dernier. Mon livre apporte justement dans des dj:zajnesde pages des preuves de ce genre contre Plékhanov; 2. De faire la démonstration qu'en ce qui concerne le processus social de la cognition et une série d'autres questions importantes, la philosophie de Mach et d'Avenarius concorde entièrement avec la sociologiede Marx et d'Engels. Personnellement, je tenais à ce que Mach luimême (Avenarius n'était déjà plus de ce monde) confirmât le parallélisme et la concordance d'un certain nombre de ses conceptions avec le marxisme. Disposant d'un « document » de ce genre qui montrait à la masse des militants du Parti la fausseté des accusations de Plékhanov, on pouvait dès lors avec plus de liberté et de sérénité compléter le marxisme par l' empiriocriticisme, l'amalgamer aux principes nouveaux de la gnoséologie et, par conséquent, lui donner plus de consistance grâce à la théorie de la connaissance qui jusque-là lui faisait défaut. Telles furent les considérations psychologiques et ma position par rapport au Parti qui m'incitèrent, il y a 54 ans, à écrire ma lettre à Mach. N. V ALENTINOV. Lettre à Ernst Mach Novembre 1907. Très honoré Monsieur Mach, Dans la préface à l'édition russe de Die Analyse der Empfindungen [ Analyse des sensations] vous signalez, entre autres, que J. Dietzgen, reprenant sagement à son compte le point de vue de Hegel., est arrivé à des résultats très proches de ceux que vous exposez dans votre livre. Selon moi, ces points similaires sont : · I. La théorie de Dietzgen sur la connexion universelle des éléments du cosmos et l'action qu'ils exercent les uns sur les autres ; 2. La façon de concevoir la connaissance comme un acte d'adaptation en vue de décrire, de systématiser par des notions la représentation symbolique des reflets des phénomènes; 3. La théorie de Dietzgen sur la causalité, théorie débarrassée des éléments de fétichisme dont la philosophie traditionnelle a . abondamment pourvu cette notion. PQur Biblioteca Gino Bianco 173 Dietzgen, la cause n'est pas quelque chose derrière l'effet qui produit ce dernier et le pou~se (Dietzgen rejette catégoriquement cette conception animiste), mais l'ensemble des conditions, la manifestation générale de tout ce qui précède ; 4. La conception de la matière; pour lui, la matière n'est pas seulement l'ensemble de ce qui est pondérable et palpable. Il s'inscrit en faux coritre cette conception des matérialistes mécanistes et, comme vous, il ne voit dans la matière qu'un symbole permettant de constater les rapports permanents dans le contenu multiforme de notre expérience. S'appuyant là-dessus, il insiste pour que la notion générale de la matière englobe les couleurs, la lumière, l'odeur, le son, l'espace, le temps, la chaleur, etc. Comme s'il avait prévu d'avance ce qui allait troubler bien des esprits ( dieser Generalisation des Wortes « Stoff », Dietzgens Philosophische Schriften, p. 138), il déclare qu'on n'a alors qu'à remplacer le mot matière par un autre. Je ne m'arrêterai pas sur les autres points concordants de votre théorie et de cellede Dietzgen (critique de la « chose en soi », notion de la substance, etc.). Je veux seulement souligner que Dietzgen est un défenseur inlassable des droits du réalisme et un adversaire non moins acharné de toute métaphysique, y compris la métaphysique idéaliste que la conception de la nature du réalisme encombre d'un dogme qui transforme l'univers des choses non dépendant de nous en monde imaginaire. Les conclusions auxquelles Dietzgen et vous aboutissez offrent une étonnante similitude. En la soulignant, je voudrais attirer l'attention sur un fait qui découle de cette concordance. On sait que la doctrine de Marx et d'Engels, fondateurs de la sociologie scientifique, a exercé (et Dietzgen l'a maintes fois reconnu) une influence décisive sur sa théorie. Il serait très intéressant de connaître l'attitude que vous adoptez personnellement à l'égard de cette doctrine. Pour les Russes, cette question présente d'autant plus d'intérêt que parmi nous, la plupart de ceux qui font leurs vos conceptions et celles de R. Avenarius sont en même temps des adeptes de la doctrine de Marx.· Les conceptions des fondateurs de la sociologie scientifique rejoignent-elles les principes de votre théorie ? Dans nos milieux, une très vive discussion doctrinale se déroule à ce sujet. Le mieux est d'y répondre après avoir rappelé les points fondamentaux de la doctrine sociologique de Marx et d'Engels. L'un et l'autre prétendent que la production constitue le fondement de la vie sociale. Pour vivre, la société, en tant que forme déterminée de la vie, doit s'adapter à la nature, la soumettre et produire ce qui lui est nécessaire. Dans ce combat avec la nature, les individus s'intègrent les uns à l'égard des autres dans des rapports de production qui, par suite du développement de la technique et du degré où l'homme parvient

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