.. - Débats et recherches MARXISME ET PHILOSOPHIE par N. Valentinov et Ernst Mach Les pages de N. Valentinov sur Lénine philosophe, tirées de son livre Relations avec Lénine et reproduites dans notre numéro de juillet dernier, ont suscité le vif intérêt des lecteurs qui s'efforcent de comprendre la démarche intellectuelle de l'auteur de Matérialisme et Empiriocriticisme. Ce ne sont pas les ouvrages apologétiques, les innombrables brochures de vulgarisation et articles de revues publiés à Moscou lors du quarantième anniversaire de ce gros traité dogmatique qui contribueront à l'intelligence du sujet. Le livre de N. Valentinov enseigne beaucoup plus et beaucoup mieux. Comme suite au fragment reproduit ici même, il a semblé important de verser au dossier de la controverse entre « marxistes » de l'école Lénine-Plékhanov et «machistes» de la tendance Bogdanov-Lounatcharski-Valentinov (non moins marxistes que les précédents, mais dont le marxisme se nuançait sous l'influence d'Emst Mach et de Richard Avenarius), deux lettres inédites échangées en 1907 entre N. Valentinov et E. Mach. Elles sont précédées d'un texte explicatif de N. Valentinov écrit pour notre revue, en guise d'introduction. Dans La Connaissance et l'Erreur, ouvrage d'Emst Mach traduit en français (Bibliothèque de Philosophie scientifique, éd. Flammarion, Paris 1908) le physicien-philosophe expose ce qu'il entendait par «nature bnomique de la science » : la science (de la nature) est une« économie de pensée», c'est-à-dire la recherche du mjnjm1un d'hypothèses capables d'autoriser la prévision du plus grand nombre de phénomènes. Le travail de la science ainsi compris est déjà amorcé par la connaissance commune. Les idées de Mach sur la sciènce propagées par le Cercle de Vienne (Carnap, Ph. Frank, etc.) sont une des sources de l'important mouvement d'idées connu dans le monde contemporain et notamment aux U.S.A. sous le nom de posiiflisme logique. JAi PENSÉ qu'il serait peut-être bon d'accompagner ma lettre à Ernst Mach et sa réponse de quelques explications et précisions complémentaires. Sur un grand nombre de points, l'immense édifice théorique que Marx avait construit a subi des dégradations, tandis que ses prévisions et vues prophétiques sont aujourd'hw réalisées dans beaucoup de pays sous l'aspect d'une criante caricature de l'histoire. Mao Tsé-toung et le ib·lioteca Gino Bianco Il est notoire que les idées de Mach, tant en physique qu'en philosophie, ont exercé une influence considérable sur l'esprit d'Einstein. L'idée de la «relativité généralisée » (extension du principe de relativité aux mouvements accélérés) se trouve déjà dans la Mécanique de Mach (dont on a une traduction française par E. Bertrand, éd. Hermann, Paris). La mauvaise humeur soviétique contre la physique théorique relativiste (dont seule la partie expérimentale a été admise) s'explique en partie par la notoriété de l'influence de Mach sur Einstein. Plus généralement, il s'agit d'une manifestation entre autres de l'extrême conservatisme du bolchévisme officiel en science, comme en art et en philosophie. La conception exprimée par Mach sur les rapports de la matière et de l'esprit, qui veut être un retour au réalisme du sens commun, a été par la suite désignée techniquement sous le nom de «monisme neutre » ou de «néo-réalisme». Par «monisme neutre» on entend la doctrine selon laquelle les ultimes éléments de la réalité ne sont ni de nature psychologique, ni de nature physique, mais susceptibles d'être pris dans un sens ou dans un autre, suivant les combinaisons dans lesquelles on les fait entrer (avec ou sans référence à un corps vivant). Le «néo-réalisme» soutient que le sujet connaissant est en rapport direct avec ces éléments sans passer par l'intermédiaire de ce qu'on appelle« idée» et qui lui appartiendrait en propre. On trouve des idées parentes de celles de Mach à la même époque chez William James ( Does consciousness exist ? ) , dans Bergson (Matière et Mémoire, 1er chapitre) et c'est toujours la doctrine de Bertrand Russell (Analysis of Mimi, Analysis of matter). Imbu de philosophie scolaire, Lénine n'est p~s entré dans ces nuances et n'a jamais ·voulu démordre de l'antithèse sommaire entre idéalisme et matérialisme (confondu avec le réalisme). dictateur guinéen Sekou Touré se considèrent comme d'authentiques marxistes. Rien ne s'oppose à ce qu'au Congo, un quidam surgisse qui se déclare marxiste de stricte observance. La doctrine sociologique de Marx, le matérialisme historique, a moins souffert que les autres parties de son œuvre. Mais elle aussi ne peut tenir debout que si on lui apporte de grandes corrections. Je dirai, par exemple, que le rôle de la personnalité tient dans l'histoire une place
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