Le Contrat Social - anno V - n. 3 - mag.-giu. 1961

170 Au lieu de stimuler la naissance de la « moralité socialiste»depuis longtemps annoncée, cesmesures ont~renforcé un sentiment de « solidarité clandestinê » parmi les ouvriers et créé chez le peuple une appréhension devant les lourdes peines infligées pour des délits qu'il considère généralement comme des armes nécessaires de l'autodéfense économique 8 • Depuis le début de 1960, un effort résolu a été fait (en particu}ier en Tchécoslovaquie, en Pologne et en Hongrie) pour ressusciter et étendre l'activité des « tribunaux de camarades» qui, à l'exception de la Bulgarie, avaient été établis en 1956-58. Par contraste avec l'Union soviétique, ces tribunaux n'ont jamais été dans les pays d'Europe orientale un instrument important pour imposer la discipline du travail et les normes de comportement social. Il est cependant de plus en plus évident que sans la participation populaire, « l'offensive rencontre le vide ». Les nouvelles mesures prises par les Soviétiques dans ce domaine sont un effort pour élever la « conscience politique » des masses. Bien que les nouveaux règlements relatifs aux « tribunaux de camarades » suivent de près l'exemple soviétique, il .existe en Europe orientale des différences importantes quant à l'interprétation du rôle de ces tribunaux. Comme les· « démocraties populaires » en sont encore à la « première phase » du développement socialiste (« transition révolutionnaire du capitalisme au socialisme »), l'accent est mis sur· la fonction éducative et la fonction d'intimidation directe des tribunaux, et non sur le rôle plus large qu'ils doivent jouer dans une société communiste 8. Cf. Nepakarat, Budapest, 12 nov. 1957 : « Une solidarité de mauvais aloi s'est développée dans certaines usines. Il est considéré comme "élégant" de chaparder. Ce genre de solidarité ne peut être toléré. » ' Biblioteca Gi-noBiane-1-¼-o--- L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE idéale. Sauf en Tchécoslovaquie, les· nouvelles institutions parajudiciaires n'ont pas dépassé le stade expérimental. L'application en grand d'un pouvoir extrajudiciaire, notamment le manque de garanties dans la procédure, n'a été· ouvertement critiquée, comme on pouvait s'y attendre, qu'en Pologne. Tout indique que les nouveaux moyens utilisés dans la campagne contre les crimes économiques sont considérés par la· population comme un présage de nouveaux ennuis. L'expérience du passé montre que l'application de moyens extrajudiciaires tend à renforcer le rôle de la peur et de la coercition. EN RÉSUMÉ, la floraison des crimes économiques est en partie le prix que les régimes communistes paient pour leurs fables sur la « propriété socialiste». Dans un concours de circonstances défavorables, la « démoralisation institutionnelle » peut prendre des formes politiques ; mais à moins de crise grave, cette maladie revêtira plus simplement l'aspect de l'enrichissement personnel. Une atténuation de la dictature du Parti et une amélioration du niveau de vie peuvent enrayer le mal. Mais les facteurs permanents - mythe de la propriété de l'Etat appartenant aux ouvriers et priorité de l'industrie lourde aux dépens des besoins de la consommation - demeureront des agents de corruption. Si les régimes continuent de s'appuyer essentiellement sur les vieilles méthodes de coercition et les récents expédients extrajudiciaires, les crimes économiques ne peuvent que persister comme des foyers d'infection dans le corps politique, malgré le progrès économique. PAUL LANDY. (T.raduit de l'anglais) , / • j

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