Le Contrat Social - anno V - n. 3 - mag.-giu. 1961

164 le communisme, avec la lutte pour le communisme 6. » Quant à lalGrande EncyclopédieSoviétique, elle affirme : « La défense des intérêts de la victoire du communisme est à notre époque l'unique critère scientifique de la morale 7. » Chaque fois qu'un plan de production n'est pas exécuté par une entreprise ou que la récolte d~une exploitation reste au-dessous des chiffres prévus, le même cas de conscience doit se présenter ainsi aux dirigeants communistes : « Notre échec est certes fâcheux, mais il n'est peut-être que momentané. L'aveu de cet échec va se répercuter sur les indices de rendement du district (ou de la branche d'industrie), il va figurer dans les comptes rendus de la région, de la république, de !'U.R.S.S. tout entière. Il va décourager les travailleurs, il va nuire à la propagande du Parti, à cette progression inéluctable vers le communisme que notre Parti proclame sans cesse. Par conséquent, cet aveu est immoral et bieri plus nuisible que l'échec accidentel de notre travail.» Alors, en paix avec leur conscience communiste, les dirigeants font des faux en écritures et envoient des comptes rendus triomphants. La Pravda nous donne un exemple de ce procédé: A. F. Roudakov, directeur de l'usine Métallo de Léningrad, avait déclaré avoir livré à la date du 31 décembre 1960 plusieurs machines dont le montage n'était pas terminé le 19 janvier 1961. Dénoncé ... ... il expliqua ainsi ce tour de passe-passe : « Certes, les machines non encore montées ne doivent pas figurer dans la colonne de l'exécution du plan~ Mais sans ces machines le programme annuel n'aurait pas été rempli. On ne voulait pas décourager le collectif .» On ne voulait 6. Ce programme fut publié in extenso dans la revue • Questions de philosophie, Moscou, n° 6, juin 1959. Voir éga: lement notre étude : <c L'éthique marxiste et son enseignement en U.R.S.S. », publiée en 1960 par le Centre de recherche du bien politique. 1· Grande Encyclopédie Sovi.étique, 2e éd. t. 30, p. 207· Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE· COMMUNISTE pas « désillusionner le collectif», donc il fallait tromper l'Etat et le collectif de l'usine (Pravda, 2i janv. 1961). Cette pratique s'étend à tous les échelons, le sommet y compris. Khrouchtchev dénonça en. décembre 1958 le mensonge de Malenkov qui avait officiellement annoncé en 1952 une récolte de 8 milliards de pouds de blé au lieu des 5,6 milliards réellement produits. Combien de pareils mensonges découvrira-t-on chez Khrouchtchev si· la direction du Parti passe en d'autres mains ? QUANDcette vertigineuse pyramide de mensonges, cette accumulation énorme de fraudes, de fausses statistiques, de tours de passe-passe et ' de vantardises commence à gêner le gouvernement qui finit par ne plus distinguer lui-même le vrai du faux et par s'embrouiller dans l'établissement des plans, ou bien lorsque Khrouchtchev a besoin d'un bouc émissaire, on lance une campagne d'épuration. On élimine les plus compromis et les plus incapables. Mais la mentalité des remplaçants reste toujours la même, et ils rencontrent les mêmes difficultés. Après un bref répit, le flot de mensonges rejaillit et le cycle recommence. Cela dure depuis quarante ans. Un ex-communiste yougoslave qui séjourna en U.R.S.S. de 1926 à 1935 avait intitulé ses souvenirs Au pays du men.songedéconcertants. Cette définition, vieille d'un quart de siècle, reste exacte encore aujourd'hui : ce cc mensonge déconcertant », dont le Parti ne peut pas se défaire, est devenu partie intégrante du régime et toutes les foudres de Khrouchtchev ne pourront lever ce lourd handicap qui pèse sur la réalité soviétique. - E. DELIMARS. 8. A. Ciliga : Au Pays du mensongedéconcertant, Paris 1950, Pion. La première édition date de 1938. ,

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==