L'Expérience communiste MENTALITÉ DES CADRES EN U.R._S.S. par E. Delimars LA CAMPAGNE agricole de 1960 s'est soldée en Union soviétique par un insuccès aussi manifeste que celui de 1959. L'aveu officiel en fut fait par Khrouchtchev lui-même devant le Comité central du Parti communiste de l'U.R.S.S. en janvier de cette année 1. Nous avions déjà analysé les causes de l'échec de 1959 2 • Aucune amélioration sensible n'étant survenue depuis en matière d'agriculture et d'élevage, l'éventualité d'un aussi piètre résultat doit être sérieusement envisagée pour 1961. Afin de redresser la situation, les dirigeants du Parti doivent redoubler d'efforts : il leur faut galvaniser l'ardeur des travailleurs, leur expliquer, à leur manière, les échecs passés et en dénoncer les responsables. Le Parti détient seul la sagesse suprême et Khrouchtchev est son prophète en matière agricole comme dans toutes les autres. Puisqu'il est infaillible, point question de mettre en lumière les véritables causes de l'échec permanent de la politique agricole, de reconnaître que les paysans répugnent à s'identifier avec le kolkhoze en faisant passer l'intérêt de la collectivité avant leurs intérêts personnels ; que le dépeuplement systématique des campagnes se poursuit ; que les terres vierges tant vantées ne donnent que des récoltes incertaines, ainsi que les savants, même soviétiques, l'avaient prévu. En janvier 1961, Khrouchtchev s'est donc évertué à démontrer, contre toute évidence, que sa politique agricole est parfaitement rationnelle, rentable et justifiée, que les terres vierges donnent tous les ans une bonne récolte, dont une grande 1. Voir à ce sujet les articles très bien documentés de Lucien Laurat in Est et Ouest, Paris. a. Voir nos articles in Contrat social et Est et Ouest. Biblioteca Gino Bianco • partie est perdue du fait de l'incurie des autorités locales. Les échecs ne seraient dus qu'à la mauvaise organisation des structures administratives et surtout à l'incapacité des cadres. Une remise en ordre, une épuration rigoureuse des éléments inaptes ou véreux à tous les échelons hiérarchiques, leur remplacement par des hommes compétents et énergiq~es- voilà, selon Khrouchtchev, le remède souveram. Cette panacée fut mise en œuvre par Khrouchtchev lui-même, d'abord au Comité central, puis pendant son voyage d'inspection à travers le pays. Une vaste campagne de presse fut déclenchée pour dénoncer les fonctionnaires coupables et signaler les désordres administratifs. Nous avons pu faire, à partir de là, une ample moisson de constatations fort savoureuses sur la situation réelle en Union soviétique et plus particulièrement sur la mentalité et la moralité des cadres du Parti et des dirigeants, communistes ou non, de l'économie agricole. Nous nous bornerons à examiner ici quelques exemples des difficultés que la direction du Parti rencontre dans son effort pour créer « l'homme soviétique nouveau » et pour . « ·édifier· le communisme ». CERTESc, es révélations, faites devant le C.C. ou dans les journaux soviétiques,·ne sont pas une nouveauté. Khrouchtchev ne s'est jamais privé de clouer au pilori soit une personnalité, soit les dirigeants d'une quelconque entreprise, sans que cela dépassât les limites d'un cas particulier. Maintenant le pourrissement de la moralité des cadres paraît avoir évolué au point de nécessiter un coup de balai magistral. La direction du Parti met les cadres en demeure, sous peine de sanctions sévères, d'exécuter coûte
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==