CLASSES ET LUTTES DE CLASSES II par Kostas Papaioannou Ill. - La lutte des classes , DE TOUTES LES THEORIES MARXISTES, aucune n'est aussi populaire que la théorie de la lutte des classes. C'est sans doute . pour marquer son importance que Engels l'a revendiquée comme « propriété absolue et exclusive de Marx» 1 • Pourtant, l'antagonisme des riches et des pauvres est un thème banal depuis les sophistes grecs. Platon ne l'avait assurément pas méconnu et Aristote en avait fait le maître pilier de sa théorie des révolutions. D'autre part, Bazard, Considerant, les deux Blanqui et aussi des conservateurs déclarés comme Guizot ou Lorenz von Stein n'avaient nullement attendu le Manifeste pour présenter l'histoire comme une lutte des classes : la formule elle-même n'est pas même de Marx, mais de Karl Grün, le « socialiste philosophique » qu'il avait tant vilipendé. L'histoire, écrivait Grün en 1844... ...n'a été jusqu'à nos jours qu'une guerre unique, ininterrompue ; une guerre des heureux, des possédants, des vainqueurs contre les malheureux, les déshérités, les vaincus. En Grèce, ces derniers se sont appelés des esclaves et des hilotes, à RQme des esclaves, au moyen âge des serfs. Dans le monde civilisé ils se nomment des prolétaires 2 ••• On croirait lire le début du Manifeste... . On aurait tort cependant ·de minimiser l'originalité de Marx. Ainsi que l'a souligné K. Kautsky 3 , 1. Manifeste communiste, Paris 1947., p. 43. 2. Cf. Ch. Andler : Le Mani/este communiste..., s.d., pp. 67-68. 3. Cf. La réponse de Kautsky à V. Tcherkezov accusant Marx de plagiat : Dœ KommunistischeMani/est : einPlagiat l, in Di, Neue Zeit, vol. n (1906), p. 698. Sur Tcherkezov, cl. Contrat social, juillet 1957, pp. 190 sqq. Biblioteca Gino Bianco • c'est Marx qui, le premier, a considéré la lutte des classes « comme la force motrice du développement social ». Certes, dit Kautsky, ses prédécesseurs n'ignoraient pas l'existence de la lutte des classes, « mais ils ne voyaient pas qu'elle est inévitablement engendrée par .le développement économique et qu'elle prépare les voies à un nouvel ordre des choses ». Examinons de plus près ces deux points. Les conditions objectives de la révolution A VRAI DIRE, Marx a commencé par subordonner la théorie de la lutte de classes à celle de la dynamique économique : « Toutes les collisions de l'histoire, lisons-nous déjà dans l' Idéologie allemande, ont leur origine dans la contradiction entre les forces productives et la forme des relations sociales 4 • » Si la révolution apparaît comme la «force motrice de l'histoire » 5 , c'est uniquement en tant qu'auxiliaire du progrès économique, à titre d' «accoùcheuse » des nouvelles formes d'organisation économique· créées « à l'intérieur de la vieille société ». Si bien que ces révolutions qui rythment l'histoire des sociétés ne constituent point un phénomène premier : non seulement elles sont dues à la poussée irrésistible des forces productives, mais encore elles demeurent stériles et ne donnent lieu qu'à des «révoltes» impuissantes 6 tant qu'elles ne 4. Marx-Engels : Die Deutsche ldeologie, éd. Dietz, 1953 (titre abrégé : Dl), p. 74 (VI, 221). Les chiffres latins et arabes entre parenthèses renvoient au volume et à la page de la traduction Molitor. C'est la première formulation de la théorie marxiste de la révolution. Marx n'emploie pas encore le terme « rapports de production •· Il indique toutefois que le terme « forme de relations• désigne « les formes de l'organisation du travail et les formes de la propriété qui en résultent •, DI, p. 61 (VI, 220). 5. DI, p. 35 (VI, 185). 6. Ibid., p. 457 (IX, 85).
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