142 rentable en quelque proportion que ce soit, ne vont-ils pas signifier définitivement leur congé à toutes les croyances traditionnelles et proclamer la divinisation de l'homme ou, du moins, de la science ? Ce serait pour les doctrinaires russes une victoire dont on aurait grand tort de sous-estimer l'importance. Il est bien clair qu'en dépit de certaines infiltrations ou contaminations le christianisme, l'hindouisme, l'islam sont des obstacles sur la route du communisme. Qu'une nouvelle représentation du monde, qu'on dira plus large, vienne discréditer les grandes religions, et d'abord le christianisme, Khrouchtchev ne pourra que s'en réjouir et se confirmer dans la conviction que son régime porte le flambeau. S'engager en un débat philosophique serait sans fin ; disons seulement que, même pour qui veut juger d'un point de vue tout rationnel et considère les religions comme des produits de l'histoire, l'avenir demeure ambivalent. Il se peut que la réalisation du vieux rêve icarien fouette toutes les puissances de l'orgueil démiurgique ; mais il se peut aussi que l'homme, après avoir installé des laboratoires sur la Lune et parcouru l'espace interplanétaire, se sente profondément déçu, comprenne mieux que sa condition n'a pas changé, que le système solaire dans son ensemble n'est qu'un atome dans l'univers. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Nous assistons, d'autre part, à une transformation surprenante des sciences de la nature, transformation qui nous accoutume - qui du moins accoutume les vrais savants - à évoluer dans l'invisible, dans le monde des protons, des ondes, . · des énergies. Les lois du rationalisme classique chancellent ou s'effondrent. Tout redevient pos- . sible, y compris de vastes réveils religieux dans un style à la Teilhard de Chardin. Ce qui étonne le plus peut-être c'est, en présence de réussites spectaculaires, l'atonie des foules. On s'affranchit de la pesanteur terrestre, on vise la Lune, on approche des autres planètes ; courte flambée d'émotion, grands titres dans les journaux pendant deux ou trois jours, puis tout retombe. Lassitude ? frivolité ? stupidité ? Ou bien sentiment obscur que tout cela se passe décidément trop loin au-dessus de nos têtes ? Après tout, cette indifférence, si elle est obtuse, ne manque pas de force ·stabilisatrice ; elle nous ramène au sol, et Khrouchtchev lui-même a les meilleures raisons du monde de savoir qu'il lui est plus facile d'envoyer des fusées dans l'espace que de faire pousser le blé sur les terres des kolkhoses. LÉON EMERY. ,
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