Le Contrat Social - anno V - n. 3 - mag.-giu. 1961

134 Comintem acceptèrent cette idée aussi utile dans la pratique qu'embarrassante du point de vue doctrinal. Sous une forme édulcorée, le plaidoyer en faveur de l'utilisation de la « racaille » (le Lumpenproletariat de Marx et Engels) et de la pratique dirigée du pillage par les masses se retrouve dans les Œuvres choisies, ce guide pour l'action auquel les communistes et leurs partisans recourent chaque fois que cela favorise leurs desseins. Sous le « front uni», Mao n'eut pas l'occasion (et n'essaya pas de la provoquer) de faire montre d'une quelconque originalité stratégique, sauf pour ce qui est du Lumpenproletariat *. A l'époque des soviets de la Chine cen~e, il élabora une méthode de guérilla permanente sur la base de la révolution agraire. Cette méthode, considérablement remaniée, il l'appliqua aux opérations menées contre les Japonais après l'installation de bases communistes rurales dans le nord-ouest du pays. Pendant toute cette période, les communistes chinois reçurent de Moscou leurs grandes directives stratégiques, que Mao devait appliquer de nombreuses années après être devenu le chef " . . supreme, en Janvier 1935. 1931. - Le Japon occupant la Mandchourie, Moscou essayait encore d'arriver à un arrangement avec Tokyo. La République soviétique de Shine _centr~e,avec Ma~ pour préside,n!,dénonça l 1nvasion nippone ; mais elle ne designait pas _les Japonais comme principaux ennemis de la Chine - ce qu'ils étaient - pas plus qu'elle ne proposait de « front uni » pour les combattre. Coll1:llle_leComintem, Mao et ses compagnons contmua1entde concentrer leurs feux sur Tchiang Kaï-chek, et leur propagande, déchaînée contre toutes les puissances impérialistes, mettait de plus en plus l'accent sur les puissances occidentales et de moins en moins sur le Japon. 1935. - Moscou se sent maintenant menacé non seulement par l'Allemagne hitlérienne mais ~ussi par . les Japonais q~ se rapproche'nt de 1 axe Berlin-Rome. Pour faire face à cette situation, le Comintem proclama une politique de « front ~ a!ltifasciste » dans laquelle les commumstes ch1no1s sont destinés à jouer un grand rôle. Mao et les siens venaient alors d'être chassés de la Chine centrale par les nationalistes du Kuomintang et n'étaient guère d'humeur à se rapprocher de ces derniers. Si une déclaration datée (pos! festum) du 1er· août 1935 et offrant a~ Kuommtang une_n?u':elle alliance, porte la signature du P.C. chinois, Il est facile de démontrer qu'elle fut rédigée à Moscou non en Chine En fait, il fa~ut attendre mars '1936 pour qu; Mao et ses lieutenants, alors installés dans le nord-ouest du pays, acceptent l'idée d'un front • S~r ce point, Mao suivait donc une inspiration anal~gue a <:elle de ~akounine qui spéculait· largement sur 1mtervenuon des brigands dans la révolution sociale (N.d.l.R.). Biblioteca Gino Bianco~--- LE CONTRAT SOCIAL uni avec leur principal ennemi de la veille, Tchiang Kaï-chek. 1937. - Le P.C. chinois finit par conclure une alliance avec les nationalistes, tout en maintenant que la direction communiste était indispensable pour le succès de la lutte contre le Japon. 1938. - Après la conférence de Munich, qui alarma Moscou, les communistes et leur porteparole Mao acceptent solennellement la direction du Kuomintang et de Tchiang Kaï-chek pour la durée de la guerre. 1939-41. - Après le pacte germano-russe, les communistes chinois découvrent que l'ennemi extérieur le plus réactionnaire n'est plus l'Axe mais l'impérialisme franco-anglais. Sur le front intérieur, ils maintiennent l'alliance avec le Kuo- " mintang, tout en mettant en sourdine leur allégeance e~vers ce dernier et, rompant leurs promesses, Ils commencent à pénétrer dans les régions !enues par les nationalistes. En 1940, Mao écrit une brochure, Sur la démocratienouvelle, qui met de nouveau l'accent sur l'hostilité des communistes envers les propriétaires terriens et les capitalistes. 1~41. - L'attaque de Hitler contre !'U.R.S.S. modifie une fois de plus la stratégie d'ensemble de Mao. Il déclare derechef que, dans leur majorité les propriétaires fonciers sont des patriotes. D; même· il exalte la bourgeoisie chinoise et il fait de nouveau valoir la nécessité de collaborer étroitement avec les nationalistes contre le Japon évidemment fidèle en cela, comme lors de s~ variations antérieures, aux vicissitudes de la politique de Moscou. 1943. - C'est à juste titre que Mao affirma que Stalingrad était un tournant de la guerre. A compter de ce moment, en raison de l'accroissement de la force militaire et politique de Moscou, les communistes chinois se préoccupent de moins en moins de combattre le Japon et de plus en plus de consolider leur régime dans le nord de la Chine· où, en 1945, ils régnaient sur près de 100 millions d'hommes. 1947. - Après l'échec de longues négociations en vue de former un gouvernement de coalition avec le Kuomintang, les communistes décident de mener contre les nationalistes une lutte à outran~e. Se~onune r~marque de Staline en 1948, cette resolutton fut prise contre l'avis de Moscou. Quelles furent les conséquences de cette divergence d,e V?es ? Jusqu'à ~a fin de 1946, Maos comme Staline, semble avoir cru qu'en raison de !a politiq~e 3:méricaine à l'égard de la Chine, 11 faudrait vingt ans aux communistes pour s'emparer du pouvoir. Cependant les Etats-Unis mapquèrent de clairvoyance et de fermeté, ce qui, conjugué avec la détérioration croissante de l'économie chinoise, devait créer une occasion stratégique que Mao sut saisir et exploiter sans tarder. En 1948, Staline devait reconnaître que les « camarades chinois » avaient eu raison de ne pas tenir compte de l'avertissement de Moscou

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