Le Contrat Social - anno V - n. 2 - marzo-aprile 1961

126 marquait le troisième anniversaire de l'O.N. U. en ces termes: A l'occasion du 3e anniversaire de cette institution, dénommée « Nations Unies » par antiphrase et qui n'a su que faillir à ses principes, manquer à ses obligations, aggraver les maux qu'elle entendait guérir, on a le devoir de constater la série d'avortements qui jalonne sa pitoyable carrière. Il semble superflu d'en dénoncer une fois de plus les joutes oratoires où, de notoriété publique, tout le monde ment. Impuissance du Conseil de Sécurité, impuissance de la Commission d'Énergie Atomique, impuissance de la Commission du Désarmement, impuissance de la Commission des Droits Humains, impuissance de la sous-Commission de la Liberté d'information et de la Presse, impuissance des Comités spéciaux pour la Grèce, pour la Palestine, impuissance permanente et phraséologie dangereuse, parasitisme et inanité, tel est le bilan. Feu la Société des Nations, de triste mé~oire, fit relativement meilleure figure. L'O.N.U. est manifestement indigne d'exister. La réformer est impossible sans le consentement de l'URSS qui n'en fait partie que pour la paralyser au moyen du veto ou l'exploiter à ses fins subversives. Ses vices constitutionnels interdisent d'en attendre quoi que ce soit d'utile. Une institution inutile ne peut que devenir nuisible, surtout quand elle se cherche une raison d'être, a fortiori si elle abrite les ennemis déclarés du bien qu'elle prétend faire. · Douze ans ont passé, et les pires appréhensions ont été dépassées. Les intrigues, les manœuvres, les marchandages, les combinaisons de couloirs, les coalitions et les « blocs » sans scrupules étaient prévisibles ; mais personne ne prévoyait les scandales auxquels il a fallu assister en 1960, les exhibitions provocatrices d'un Khrouchtchev, les fanfaronnades bouffonnes d'un Castro, la présence injurieuse et effrontée d'un Kadar à New York, pour ne mentionner que les plus choquants épisodes. Ce n'est pas seulement l'O.N. U. qui s'en trouve déconsidérée : qu'on le veuille ou non, le prestige des États-Unis en sort très amoindri, au préjudice de la civilisation dont ils assument la défense. Et l'on a le devoir d'envisager de sang-froid les perspectives qui se dessinent depuis la toute récente découverte de l'Afrique. Lors du dixième anniversaire de l'O.N.U., Raymond Aron écrivait dans le Figaro du 22 juin 1955 : Aucun ordre juridique ne peut tenir s'il n'est l'expression d'un rapport de forces. Or la concentration de la force dans deux super-États condamnait à l'impuissance la coalition de tous les petits, opposés aux deux grands, elle rendait inévitable la paralysie de l'O.N.U. au cas où les deux grands ne s'accorderaient ·pas. Dès 1945, le désaccord des États-Unis et de l'Union soviétique était évident. Dès lors, le problème de la paix, celui d'un ordre international, ne pouvait être résolu, il ne pouvait même pas être affecté décisivement par les discours ou les manœuvres de Lake Success ou de New York. Soviétisation de l'Est européen, blocus de Berlin, pacte de l'Atlantique, accords de Paris, tous ces événements qui ont précipité la formation des deux blocs et déterminé la conjoncture actuelle se sont déroulés Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL en dehors de l'organisation qui représente symboliquement la communauté internationale. Ailleurs, dans le conflit entre Israël et les pays arabes, dans celui du Cachemire, dans la formation de l'État d'Indonésie, le Conseil de Sécurité et l'Assemblée générale ont eu un rôle plus actif. Nulle part l'O.N.U. n'a été en mesure de dire clairement le droit et d'en imposer le respect. Le problème de l'État d'Israël n'était pas juridique mais politique, aucune des solutions concevables ne pouvait être équitable à l'ég1 ud de tous. Les parties aux prises ne se soumettaient aux décisions arbitrales ou aux efforts de médiation que dans la mesure où elles les jugeaient conformes à leurs intérêts ou imposées par les circonstances. Au Cachemire, en Israël, les frontières ont été tracées sur le terrain, par les combats, non par la conscience universelle ou les interprètes des grands États. De 1955 à 1960, la situation a empiré de telle sorte qu'il serait insensé de nourrir le moindre espoir : rien ne peut réparer le dommage causé par l'attitude de l'O.N. U. dans le cas de la Hongrie et rien ne peut excuser le désarro(de l'O.N.U. dans le cas du Congo. Après les nations esclaves et les pays esclavagistes, les tribus anthropophages sont admises à grossir le nombre des États fictifs qui, bientôt, si l'on en croit des politiciens et diplomates américains et britanniques des plus influents, inviteront la Chine communiste à entrer dans l'organisation pour, de concert avec l'Union soviétique et ses satellites, ses clients et ses suiveurs, s'en emparer de l'intérieur ou la détruire. Déjà l'opération est en cours, la campagne rageuse menée contre le Secrétaire général et la pression incessante exercée pour remanier la structure du Secrétariat n'ayant pas d'autre sens. Quand Khrouchtchev proclame sa certitude de faire admettre Mao, il annonce le commencement de ~a fin, à moins que les États-Unis ne se décident à déjouer ses plans in extremis. Heureusement que ni la paix ni la guerre n'en dépendent. Varia A propos de « Croissance des nations » On a pu lire dans nos numéros de septembre et novembre 1960, sous le titre Croissance des nations, un abrégé des thèsespleinement développéespar le prof/ esseur W. W. Rostow dans son ouvrage : Les Phases de la croissance économique, édité par Cambridge University Press. L'aute~r lui-même définissait son exposé comme un« Mani- ! este non communiste » et le proposait comme tlreme à réflexion et discussion, offert entre autres aux intellectuels soviétiques empressés à préconiser des « échangesculturels » avec les Occidentaux. Pour toute réponse du c8té communiste, il y a eu dans la Pravda de Moscou le 19 octobre1959, un article de G. Joukov, haut fonctionnaire soviétique préposé aux relations culturelles avec les pays étrangers, article intitulé : « Les bécassines dans le marécage » (Kou!Uti na bolotié) dont les extraits essentiels reproduits ci-après donneront une idée de ce qu'on entend à Moscou par « échanges culturels ». Suit la réponse, également

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==