124 la précision de son récit. Lorsque les étudiants et les ouvriers révoltés, confiants en son patriotisme et sa loyauté, le réclament pour chef, Nagy se dérobe le plus longtemps possible. Cette révolution; il la redoutait depuis deux ans et il n'aspirait qu'à une libéralisation de la politique du P.C. Poussé au pouvoir, par devoir plutôt que par conviction, il est pendant les jours décisifs d'octobre prisonnier des chars soviétiques, de l'appareil stalinien et de sa conception réformatrice du communisme. Il ne profite pas de l'absence de Rakosi, encore moins de son impopularité pour l'abattre; contre lui et Geroe il en appelle à la confiance de Moscou. Et Moscou joue hypocritement de cette confiance. Ses émissaires lui accordent tout ce qu'il demande, à seule fin de gagner du temps et permettre l'arrivée de renforts. Même après le désastre, réfugié à l' ambassade de Yougoslavie, il croit encore à la parole du fourbe et lâche Kadar, qui invoque·la garantie équivoque de Tito, et il se livre à lui, c'est-à-dire à la police soviétique. On voit combien le sous-titre de Meray, L'Homme trahi, s'applique à toutes les étapes de la vie de Nagy. Dans le monde communiste, où la trahison et la cruauté sont des moyens ordinaires de la vie politique, il n'y a pas place pour la prudente et parfois très conformiste honnêteté d'un Imre Nagy. Pas plus d'ailleurs que pour la liberté et l'indépendance des peuples. En ce sens, le drame personnel de Nagy reflète la tragédie collective de la Hongrie opprimée. Devenu sans le chercher le chef de la révolution, il incarne par sa mort l'esclavage de son pays, et à ce titre, en dépit de ses faiblesses antérieures, il en est le héros national. MICHEL COLLINET. Un avatar de la stratégie SPARTACUS : Lettre à N. S. Khrouchtchev sur la paix. Paris 1960, La Table ronde, 192 pp. Sous FORME de lettre qui lui permet d'utiliser le style direct de la polémique avec le destinataire supposé, l'auteur tente « un essai de clarification de la pensée occidentale sur le communisme international contemporain» (p. 8). II s'agit pour lui d'expliquer la signification de la « coexistence pacifique » dans la stratégie soviétique. · Remontant aux origines du pouvoir bolchévique et aux différentes politiques menées par Moscou et son instrument, le Comintern, il montre que la <<coexistence»résulte de l'inexactitude des perspectives tracées par Lénine à la révolution d'Octobre: l'alternative - victoire de la révolution européenne ou écrasement de la révolution russe - était··mal posée. L'équilibre a été maintenu entre l'Est et l'Ouest par le réarmement industriel et militaire de Staline autant LE CONTRAT SOCIAL que par sa volonté d'éviter la formation d'une coalition occidentale. En fait, Staline, en alternant des gestes agressifs mais prudents et des rappro- · chements limités, a renoncé à un choc décisif avec l'Occident, et pratiqué sous des formes variées une« coexistence pacifique». Aussi l'erreur de l'Occident a-t-elle été de· prévoir sa défense sur le seul terrain militaire et de négliger l'action politique qui puisse s'opposer efficacement à la pénétration communiste. Dans l'état actuel d'équilibre atomique, Khroùchtchev ne peut que préconiser la « coexistence pacifique », incapable qu'il est d'affronter directement les nations occidentales. D'où sa façon d'utiliser les mouvements anticoloniaux, de mobiliser les opinions pour le désarmement total et de susciter des fronts populaires sous des aspects volontairement modérés. " En présence d'une situation différente, il continue la politique extérieure de Staline, de manière plus efficace et plus rationnelle. Il est absurde d'y voir un tournant fondamental de l'Union soviétique ou le résultat d'une quelconque opposition à la Chine communiste. Tels sont les thèmes traités par l'auteur qui, dans un style alerte, a le mérite de résumer en quelques chapitres l'ensemble de la stratégie communiste depuis OGtobre 1917. M. C. Livres reçus - RAYMONDARON : Dimensions de la consciencehistorique. Paris 1961, Libr. Plon, coll. « Recherches en sciences humaines », 337 pp. - RODERICK MAcFARQUHAR : The Hund.red Flowers. Londres 1960, Atlantic Books, 324 pp. - J. K. GALBRAITH: L'Ère de l'opulence. Paris 1961, Calmann-Lévy, 334 pp. - LÉONPOLIAKOV: De Mahomet aux Marranes. Paris 1961, Calmann-Lévy, 378 pp. - ROBERT EscARPIT : École laïque, école du peuple. Paris 1961, Calmann-Lévy, 238 pp. - GUIDO VESTUTI : La Rivoluzione permanente. Uno studio sulla politica di Trotsky. Milan 1960, Dott. A. Giuffrè, edit., 221 pp. - D. DE WEERDT : De Gentse Textielbewerkers en Arbeidersbewegingtussen 1866 en 1881. Louvain-Paris 1959, Éd. Nauwelaerts, 242 pp. - M. CoLLE-MICHEL : Les Archives de la S. A. CockerillOugree, des origines à nos jours. Louvain-Paris 1959, Éd. Nauwelaerts, 29 pp. - · - Pmium VINOT : Expansion et monnaie saine dans une société de liberté. Paris 1960, Nouvelles Éditions latines, 383 pp. - The Russian Intelligentsia. Edited by Richard Pipes. New York 1961, Columbia University Press, 234 pp. - GWENDOLEN M. CARTER et JOHN H. HERTZ : Government and Politics in the Twentieth Century. New York 1961, Frederick A. Praeger, 218 pp. - DAGOBERDT. RUNES : Letters to my Teacher. New York 1961, Philosophical Library, 105 pp.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==