QUELQUES LIVRES des communistes» (ibid.). Toutefois, du temps où, sauvé de la mort grâce à l'intervention de l'évêque de Santiago, après l'échec de son coup de force, il tenait le maquis contre Batista dans la Sierra Maestra, son programme était libéral et démocratique : il voulait renverser « le tyran » et, après « un gouvernement provisoire de brève durée », appeler le peuple aux urnes pour rétablir cette Constitution de 1940 que Batista avait violée en 1952, alors qu'elle avait jadis été son œuvre. Loin de chercher l'alliance avec les communistes, Castro le maquisard se méfiait d'eux, et, eux, d'ailleurs, se méfiaient de lui, d'autant plus qu'ils s'accommodai~nt fort bien ~e la dictatur~ «bourgeoise». La mtse hors la 101de leur parti en 1954 ne s'étm:t.accompa~ée <l:'aucunepoursuite contre ses dirigeants (qui avaient longtemps collaboré avec Batista, à commencer par Juan Marinello, son président, et Blas Roca, son secrétaire général). Les journaux communistes n'avaient pas été interdits e~ le Parti a~ait ,usé de son influence dans les syndicats pour fiure echouer cette grève générale du 9 avril 1958 dont Castro comptait faire le point de départ de l'assaut final contre le régime (pp. 80-90 ). Après sa victoire, le 1er janvier 1959, Castro demeura un moment hostile aux communistes. Pourtant, il ne put échapper longtemps à la tutelle de plus en plus étroite de ,c~souvriers d~ la onzième heure, et c'est une veritable captation du courant nationaliste, démocratique et socialisant par le parti communiste que décrit ce livre: Sans doute l'ignorance de Castro a-t-elle servi Moscou. Sans doute aussi a-t-il été poussé par ·son tempérament révolutionnaire. Ce n'est nullement par hasard que les communistes se sont insérés dans le courant « castriste » à la faveur de l'épuration qui suivit sa victoire (p. 91) : ils se débarrassaient de leurs ennemis, et, chose plus efficaceencore, ils gagnaient la confiancede Castro, de son frère Raoul et de son ami Guevara - le triumvirat - en les épaulant dans une entreprise de « liquidation » des adversaires ou des tièdes pour laquelle beaucoup de leurs amis d~ touj~urs ne se sentaient aucun goût. Castro tenait à regler des comptes : ce faisant, il se créait des dettes. Quoi qu'il en soit du processus psychologique et politique qui l'a mené au point actuel, Castro a peu à peu écarté les hommes et le programme du « Mouvement du 26 juillet » (épuré à son tour : c'est « le châtiment des fidèles», pp. 115-137) au profit de ceux du «parti sociaJiste pop~laire », le nom avoué du parti communtste cubain, le seul qui soit autorisé en dehors ,du ,« ~ou~ement » de Castro. Les élections reportees a Jamai~,la_pre~s~ mise au pas, les syndicats asservis, 1Uruvers1te domesti~uée, l'agriculture, puis de _proche en proche 1économie tout entière asservies à_ l'I.N: R.A., l'Institut national de la réforme ag_raire q':11 a nationalisé les terres que Castro avait promis de distribuer pour former une classe moyenne de petits propriétaires (p. 101), c'est une sorte Biblioteca Gino Bianco , 123 de « démocratie populaire» que Castro instaure dans son île, une démocratie populaire à laquelle ne manquent même pas les « traités inégaux » avec l'URSS, une soumission croissante à la puissance soviétique (pp. 144-47). Bien entendu, tout cela s'effectue au nom de l'indépendance nationale, de la libération des hommes, de la prospérité et du bien-être des masses, ce qui est la seconde façon, pour Castro, d'être «infidèle». CLAUDE HARMEL. . Un réformateur égaré TIBOR MERAY : Imre Nagy - L'Homme trahi. Traduit du hongrois par Imre Laszlo. Paris 1960, Éd. Julliard, coll. cc Les Temps modernes», 360 pp. EN ANNEXE au rapport de Imre Nagy, publié chez Plon sous le titre Un communismequi n'oublie pas l'homme, nous avions déjà de Tibor Meray quelques souvenirs sur Imre Nagy, relatifs à la révolution hongroise. Au même moment (1957), l'auteur entreprenait une étude sur Nagy qu'il ne devait achever qu'après l'exécution de ce dernier (16 juin 1958). L'ouvrage n'est pas, _à vrai dire, une biographie, mais plutôt un témoignage sur l'activit~ ~e Nagy av~nt et d~rant la révolution, complete par des 1nformat1ons et documents divers. On n'y trouvera donc pas un récit détaillé du soulèvement, mais une description vécue de l'action menée par Nagy dont Meray était un ami personnel. On a dit de Nagy qu'il était un réformateur égaré dans 1~ j_~gle" bo,lcJiévique.. ~i ce~le-ci n'avait pas existe, t1 eut ~te w1 ~oc1alistedem~- crate respectueux des droits de 1homme ; mais ayant en tant que militant communiste appartenu organiquement à cette jungle, il dut pour survivre fermer souvent les yeux sur ses aspects ignobles. C'est ainsi que lors des grandes purges de Staline, Nagy chercha refuge _dans ~es é~udes agronomiques. Autant par sa fo! en 1aven~r.du bolchévisme que par son temperament pa1s1ble et sa tendance à un certain conformisme doctrinal, il crut toute sa vie, contre l'évidence, que les partis co~uniste~! y co~pris· ~elui d~l'l!l_lSS., étaiènt suscep~bles d etre reformes de 1-mterie~r; Tel était l'esprit de son rapport de 1955 au C9mtte central (J?ublié en 1957). Dans _ses~onflits.avec Rakosi, t1 ne manœuvr~ p~s _pour s assu~er__des positions de force, mais ecrit pour se Justifier sur les plans poli!ique et moral ; il n~ cherche pas à vaincre, mais seulement à convaincre avec une bonne foi qui va jusqu'à la naïveté. Il est davantage un révolutionnaire de bonne volonté qu'un homme politique au sens de ce terme dans l'appareil communiste. Ces traits psychologiques, Tibor Meray les met parfaitement en lumière par la sincérité et
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