Le Contrat Social - anno V - n. 2 - marzo-aprile 1961

122 penser à vous et de souhaiter, oh combien, de pouvoir faire quelque chose pour vous et pour l'Inde. Comme vous l'avez écrit, le temps ne se mesure pas en jours. Je sens que vous êtes un vieil ami très cher ... Vous êtes un vrai camarade ... Nos cœurs et nos prières pour votre victoire ne vous feront jamais défaut. Et voici une lettre de Yénan ~dressée par Mao Tsé-toung : Nous profitons de l'occasion pour remercier votre grand peuple indien et le Congrès national indien pour l'aide médicale et matérielle accordée par vous. Nous souhaitons que le Congrès national et le peuple indien continuent de nous secourir et de nous aider à chasser ensemble les impérialistes japonais. * ,,. ,,. ~asser de Nehru à Narayan (sans doute l'homme politique le plus important après Nehru dans l'Inde d'aujourd'hui) revient à descendre le Gange depuis la noblesse de !'Himalaya jusqu'à l'immense pureté des plaines. Jayaprakash Narayan est d'ailleurs un paysan de la plaine gangétique. Il combine en lui le caractère indien de Subhas et l'internationalisme de Nehru. Il n'a peut-être pas la modernité intellectuelle de Nehru (bien qu'il ait été marxiste), mais il est doué d'un cœur qui le rattache directement à Gandhi, le maître de tous. Ce n'est pas pour ce que l'Occident pense que l'on doit admirer en lui-même que cet Occident lui fait impression, mais c'est dans la mesure où il recherche des valeurs communes. Ainsi, il est frappé des modèles sociaux offerts par la Yougoslavie parce qu'ils ressemblent aux villages décentralisés de Gandhi. Il a admiré la Suède et l'Allemagne occidentale dans leur lutte contre la pauvreté (et l'anéantissement), mais il se demande ce qui viendra après : En Allemagne occidentale, on m'a dit que l'un des problèmes de la classe ouvrière était celui du stationnement des voitures. Il y a 50 ans, personne n'avait entendu parler de pareille chose. Tout cela a affecté le mouvement de la classe ouvrière. Les progrès matériels ont relégué à l'arrière-plan l'aspect spirituel. Il note après avoir visité les usines Renault : Où donc est la fraternité, l'un des principaux mobiles spirituels du socialisme ? Sur le plan national, l'État -bien-être laisse subsister bien peu de liberté d'action. Avec des hospices pour les vieillards et la télévision pour tous, où la fraternité a-t-elle l'occasion de se manifester ? ... En tant qu' Asiatique et spécialement en tant qu'Indien, nous croyons en la famille. Nos parents âgés ne doivent pas être jetés au rebut de l'humanité. Mais il n'est pas plus satisfait de l'Inde. La démocratie telle que nous la prêchons ou la pratiquons n'est pas la démoératie. « La lutte pour le pouvoir, la soif égoïste du pouvoir l'emporte de plus en plus ... Cette situation est dangereuse. Il faudrait en sortir. » Bien sûr, il veut aussi Biblioteca Gi~o Bianco~ ~~~--- LB CONTRAT SOCIAL que les gens soient nourris et vêtus et qu'on leur procure le maximum de bien-être ; mais l'essentiel est la liberté intérieure - en somme le problème est d'ordre spirituel. Il parle des grandes figures spirituelles de l'Inde, Ram~ Krishna, Rama Tirth, Vivekananda, Raman Maharshi, Sri Aurobindo, Sri Krishna Menon (non pas le ministre de la Défense,_précise-t-il, mais le guide spirituel de Trivandrum), Gandhi, Vinobha. « Il y a cette continuité-là. Quand, en Europe occidentale, -j'ai parlé de renoncement, du refus de la lutte pour la vie, je n'ai pas été compris. Ici, tout le monde me comprendra. » Vinobha · le saint, qui de village en village parle d'amour et de vérité et fait que les riches abandonnent leurs terres aux pauvres, n'est pas chez nous un personnage exotique. Parcourant le pays à pied, Jour après jour, du sud à l'extrême nord, c'est lui le pèlerin d'amour qui symbolise l'Inde de demain. Si l'analyse de l'histoire de l'Inde par le sardar Panikkar était juste, Nehru non plus que Narayan n'en seraient la suite logique : ce devrait être un Mao. Cette quête spirituelle, cette marche intérieure (Dieu en Inde n'en est qu'un accident) nous apportent toujours la fraîcheur, nous donnent la force de comprendre et d'accepter le nouveau. Gandhi a enfanté· l'Inde moderne en tournant ses regards d'abord vers l'intérieur. Il appelait son mouvement (politique, mais avant tout spirituel), le Satyagraha, l'art de se rendre maître de la vérité. Mais tout en scrutant l'intérieur, il remontait dans le temps. Le véritable bond consiste toujours à sauter du passé à un passé possible. C'est là qu'est la tradition. RAJARAO. L'engrenage YVESGUILBERT: La Poudrière cubaine. Castro l'infidèle. Paris 1961, La Table ronde, 256 pp. ' LES RÉVOLUTIONNAIRES sont toujours infidèles quand ils remportent la victoire; les uns parce qu'ils oublient de tenir, ou ne le peuvent, les promesses inconsidérément faites au temps où ils mobilisaient des forces pour conquérir le pouvoir; les autres parce qu'ils s'acharnent à réaliser, contre toute expérience, un programme élaboré à la lumière de l'idéologie, trahissant a1ns1l'homme au profit des idées ou des plans qu'ils .auraient voulu mettre à son service. L'infidélité qu'Yves Guilbert reproche à Fidel Castro tient à la fois des deux causes. Le dictateur cubain avait prouvé, bien avant le 26 juillet 1953, qu'il avait « le goflt de l'activité révolutionnaire, de l'action directe» (p. 11) : en 1947, dans un complot dirigé contre Trujillo, président de la république Dominicaine, en 1948, lors du « coup de Bogota », il n'avait pas craint d'interveJ;lÎren liaison « avec desgroupements où agissaient

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