118 é~reuve. Leur Histoire parut en 1935, mais s avéra aussi peu définitive que les autres : dès 1937 Knorine, bolchévik letton de longue date, était jeté en prison, mis à la torture et mis à mort, non sans avoir « avoué » son appartenance à l'Okhrana et à la Gestapo, pour la bonne règle, ainsi que l'exigeait Staline. Comment Ponomarev, à l'instar de Mints, déjà nommé, a-t-il survécu à tant de massacres jusqu'à nos jours, c'est là une question à laquelle on ne trouve qu'une seule réponse : Staline ne pouvait tout de même pas tuer tout le monde, à moins de se condamner à rester seul. Il finit par où il aurait dû commencer et prit en main sa propre apothéose, dictant à une nouvelle équipe le dénigrement insensé de ses victimes et ses falsifications apologétiques démentielles : ce sera le fameux Précis publié en 1938, tiré à plus de 50 millions d'exemplaires en toutes langues et dont Khrouchtchev a réglé le sort dans son discours secret de 1956. On ne peut décemment s'abaisser à commenter ce tissu de mensonges, véritable document pathologique relevant des psychiatres. La nécessité de le retirer de la circulation et de lui substituer un nouveau catéchisme s'imposait évidemment au lendemain de la mort du tyran, mais il y eut trois ans de tergiversations au « sommet » du Parti avant de décider le déboulonnage sous le couvert d'une répudiation du « culte de la personnalité ». On découvrit dans Marx et Engels les citations indispensables. Dans la nuit du 24 au 25 février 1956, Khrouchtchev discrédita irrémédiablement Staline, son Précis et sa légende devant le XXe Congrès du Parti, où il fit connaître aussi la décision de rédiger un nouveau manuel. Il fallut encore trois ans pour réaliser ce projet, bien que les onze rédacteurs aient incorporé à leur Histoire une grande partie du texte inspiré par Staline. Le résultat, dont il a été rendu compte ici même par Leopold Labedz * dans notre numéro de janvier 1960, prouve sans conteste que le « marxisme-léninisme » de Khrouchtchev et consorts n'est qu'une variété de stalinisme, moins le délire paranoïaque. En effet, la nouvelle Histoire se caractérise par la malhonnêteté foncière, par le mépris de la vérité qui étaient déjà les traits distinctifs de la précédente. Tout en contrastant sur certains points avec les calomnies grossières de Staline à l'adresse de ses victimes, et en rendant à Lénine son dû, elle déforme sans retenue les faits les mieux avérés afin de créer ou d'alimenter la suspicion, la haine, l'esprit de guerre à outrance contre • Outre ce compte rendu, on lira avec grand profit l'article de Benram D. Wolfe: The New Gospel accordingto Khrushchev, dans « Foreign Affairs • de juillet 1960. Voir aussi : A new History of the Soviet Communist Party, par Herman Achminov, in • Bulletin Institute for the Study of the USSR ,, Munich, décembre 1959; et le livre de Panas Fedenko : Novaia lstoriia KPSS, Munich 196o. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL tout ce qui résiste à l'expansion du communisme. Elle n'est pas seulement une histoire extrêmement tendancieuse du Parti, où pullulent les fictions injurieuses et les vantardises impudentes : elle expose et interprète la doctrine pseudo-marxiste en dogmatisant sa caricature, elle justifie les pires horreurs de l'absolutisme soviétique en politique intérieure et extérieure, elle tend à déconsidérer tous les régimes libéraux ou démocratiques et prétend récrire à sa façon odieuse toute l'histoire contemporaine. Ce monument de turpitude intellectuelle et d'abjection morale suffit à révéler la nature intime du pouvoir qui en est responsable et à dissiper toute illusion à son égard. L'édition française est la copie exacte de la russe en ses moindres détails, exécutée à Moscou par des gens qui n'ont pas pris la peine d'écrire . une ligne d'avant-propos à l'intention du lecteur français ni de modifier un iota, des gens qui ont obéi passivement à un ordre d'en haut et n'ont pas eu confiance en leurs serviteurs de Paris pour accomplir cette imitation servile. Cela aussi en dit long sur les rapports entre le centre et la périphérie dans le « camp » du communisme. The Communist Party of the Soviet Union, paru à Londres l'année dernière, fait contrepoids à toute la littérature historique ou pseudo-historique mentionnée plus haut, et même à celle qu'on a omise par souci de brièveté, comme : 25 ans de P.C.R., 1898-1923 (Moscou 1923), ou Histoire du P.C.R. en documents (Léningrad 1926), etc. De même que le précédent ouvrage de Leonard Schapiro : The Origin of the Communist Autocracy ( dont il existe une traduction française intitulée Les Bolchéviks et /'Opposition, 19171922, Paris 1957), celui-ci restera comme indispensable à toute étude approfondie du sujet, alors que la plupart des livres sur la révolution russe et le communisme seront tombés dans l'oubli. Car il met en œuvre toute la documentation authentique disponible en Occident, de source soviétique ou autre, passée au crible pour tenir en quelque 600 pages. Certes les archives du Parti, de l'Institut du marxisme-léninisme (sic) et de la police secrète contiennent sans nul doute des matériaux d'intérêt majeur qui, peut-être, enrichiront et nuanceront les travaux d'historiens futurs. Mais ils ne sont même pas à la portée des auteurs communistes de nos jours et par conséguent ne leur donnent aucun avantage documentaire, alors que de strictes consignes au service de partis pris dogmatiques les privent de données précieuses dont M. Schapiro a pu disposer librement. Il . n'y a aucune raison de passer outre aux témoignages, aux mémoires, aux écrits d'éminentes personnalités de la social-démocratie russe qui, pendant des années, ont at'partenu au même parti que Lénine. Au contratre, bien des raisons
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==