110 conseillers d'une habileté politique indiscutée, particulièrement nécessaires si le dictateur est un militaire sans expérience politique. Enfin, les communistes peuvent servir à exercer une pression diplomatique sur Washington. Du point de vue des communistes, pareilles alliances leur permettent d'utiliser la puissance du dictateur pour détruire leurs adversaires démocratiques et mettre sur pied une organisation politique et syndicale qui, même si la chute du dictateur rend inopérant le groupe communiste qui le soutenait, peut encore être utile pour organiser le parti de rechange qui revient de la clandestinité ou de l'exil. Mais l'objectif premier des communistes, est de faire de l'appui du Parti une arme de marchandage pour amener le dictateur à adopter une politique extérieure favorable aux objectifs soviétiques et à resserrer les liens économiques et culturels avec l'URSS et le bloc communiste. L'effondrement, ces dernières années, de plusieurs dictatures latino-américaines a fourni des exemples pratiques de l'efficacité de la tactique de concubinage politique. Depuis la chute de Peron en Argentine, les anciens régimes dictatoriaux au Pérou, en Colombie, au Venezuela et à Cuba ont quitté la scène, et la dictature ne se maintient que dans certains pays plus petits. Dans ces quatre pays, les communistes, grâce à leur double organisation, ont pu participer à la reprise de la vie politique démocratique. Dans certains cas, l'organisation communiste légale qui avait collaboré avec le dictateur déchu disparut avec lui de la scène politique et la branche clandestine, moins compromise, fit valoir ses droits à la reconnaissance comme force politique légitime, à l'égal des partis démocratiques. Mais au Pérou, même les communistes collaborateurs ont réussi à continuer à travailler au grand jour, cherchant à créer des difficultés au régime démocratique. Mais ce n'est pas le seul stratagème de double organisation du Parti qui a contribué au succès des communistes. Ce stratagème a été efficacement combiné avec une tactique d' « utilisation des inexpérimentés» : autrement dit, tirer parti du manque de maturité politique des forces démocratiques de l'opposition victorieuse pour les soumettre à l'influence puis à la domination communistes. En dernière analyse, cette tactique n'est qu'une variante de l'alliance avec les dictateurs, et si elle est couronnée de succès, elle doit forcément mener au rétablissement de la dictature d'éléments dominés par les communistes, de démagogues prétoriens ou d'hommes de paille militaires triés sur le volet. L'utilisation des inexpérimentés et des naïfs est aussi le fondement psychologique de la technique d'organisations crypto-communistes. Employée au Chili dès l'époque du Front populaire 21 , elle a été très 21. Alexander : op. cit., pp. 22-23; Rav-ines: The Yenan Way, New Y~rk 1951, passim. · ... BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE. COMMUNISTE efficacement appliquée au Guatemala avant et pendant la présidence du colonel Arbenz (195154) 22 • Comme la même tactique est maintenant employée à Cuba et sera sans aucun doute reprise dans des circonstances similaires, il vaut de rappeler les traits essentiels de l'expérience guatémaltèque. Le plan d'action communiste aü Guatemala cherchait à atteindre les objectifs spécifiques suivants : 1. manœuvrer les masses pour en faire un objet de marchandage politique ; 2. à cette fin, organiser un réseau de mouvements périphériques de masse et y attirer des personnalités marquantes d'autres partis de façon à donner à ces mouvements une apparence non communiste ; 3. obtenir que le gouvernement subventionne ces mouvements ; 4. employer le pouvoir de marchangage politique acquis grâce à eux pour faire adopter au gouvernement certaines attitudes désirées par les communistes; 5. par-dessus tout, exploiter chaque occasion pour pousser le gouvernement à agir de façon à provoquer une réaction diplomatique des États-Unis et alimenter ainsi la propagande contre les «Yankees». Pour illustrer le quatrième point, rappelons que le leader communiste guatémaltèque J. M. Fortuny s'est vanté ouvertement dans un discours de mai 1954 de ce que la position prise par le Guatemala à la conférence interaméricaine de Caracas n'avait pas été arrêtée par le gouvernement en conseil de cabinet, mais fixée à une réunion entre le président Arbenz et des représentants du Front démocratique dominé par les communistes. Les éléments essentiels de la tactique d'infiltration des communistes dont le Guatemala fournit l'exemple sont : a. se déguiser en révolutionnaires non communistes afin de pénétrer les partis démocratiques pour les utiliser; b. obtenir par ce moyen des postes gouvernementaux, surtout dans les secteurs vitaux de l'éducation, de la propagande, du· travail et de l'agriculture ; c. s'assurer la direction des syndicats, des organisations d'enseignants et d'autres groupements populaires afin d'accroître leur influence politique ; d. saisir toutes les occasions de préconiser une politique prosoviétique ou de provocation à l'égard des États-Unis, quand cela correspond aux besoins du moment de la diplomatie du Kremlin. Cette tactique est naturellement la plus efficace là où les dirigeants des partis démocratiques et les masses manquent d'expérience politique et où des forces réactionnaires créent inconsciemment des conditions que les communistes peuvent exploiter. C'est le cas des pays qui sortent de longues périodes de dictature répressive, comme naguère le Guatemala et maintenant Cuba, entre autres. 22. V. Blanc : « Triunfo comunista en Guatemala », in Res~ca, nov. 1954•
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