Le Contrat Social - anno V - n. 2 - marzo-aprile 1961

V. ALBA l'établissement d'un Conseil du travail sous direction commun)ste; et en 1947 ils secondèrent un autre dictateur qui remplaca un éphémère gouvernement de coalition progressiste et furent récompensés par la nomination d'un communiste comme chef de la police d'Asuncion. En Colombie, le parti socialiste populaire (communiste) légal suivit une ligne de neutralité bienveillante à l'égard des gouvernements réactionnaires d'après guerre, parmi lesquels celui du dictateur Rojas Pinilla 17 • A Cuba, après son opposition aux gouvernements des présidents Grau San Martin et Prio Socarras, le parti socialiste populaire (communiste) conquit de nouveau une position d'influence avec le retour au pouvoir du général Batista en 1952. Cinq membres de premier plan du partiJulian Sotolongo, Gilberto Galan, Mercedes Chirino, Guillermo Perez Lamy et Arsenio Gonzalez (sous-secrétaire au Travail) - obtinrent de hauts postes gouvernementaux, rompant en apparence avec les socialistes populaires pour adhérer au parti d'action progressiste de Batista. Pendant ce temps, le P. C.. régulier continuait d'être illégal mais toléré et l'on eut par moments des preuves de ses tendances pro-Batista. En avril 1958, quand Fidel Castro lança l'ordre de grève générale, une circulaire diffusée par la direction du Parti et rédigée en termes favorables au régime, déclara que la grève était vouée à l'échec. Mais en août le Parti entreprit de rompre ouvertement avec Batista en proposant une coalition de tous les groupes d'opposition, ce que le « Mouvement du 26 juillet » de Castro rejeta tout net à l'époque 18 • Au Venezuela, les communistes « noirs » coopérèrent avec la junte militaire qui renversa le gouvernement Romulo Gallegos et d'acti~n démocratique en 1948, et plus tard avec la dictature du colonel Perez Jimenez. Pendant ce temps, leurs collègues « rouges » travaillaient en exil ou dans la clandestinité. Les uns comme les autres se rejoignaient toutefois dans leurs -yiolentes attaques contre les forces les plus a~ves d'opposition à la dictature -1' Action démocratique et le parti social-chrétien (C.O.P.E.I.) - et les uns comme les autres avaient leurs hommes aux postes de commande dans les syndicats d'où ils avaient éliminé, avec l'aide du gouvernement, tous les éléments démocratiques. L'existence de cette double organisation se révéla très avantageuse : lorsque Perez Jimenez tomb~ en · janvier 1958 les communistes « rouges » prirent le relai de; communistes « noirs » discrédités, obtinrent des postes dans toutes sortes ?e co.~ités publics et furent acceptés comme pa~ poµttq~e légitime. Bien qu'ayant perdu leur mamnuse sur les syndicats, ils restaient assez forts pour 17. Antonio Ricaurte : « Breve storia del comunismo colombiano 11, in Corrispondenza socialista, Ro~e, 8 fév. ,59· 18. « Les communistes de Cuba entre Batista et Fidel Castro 11, in Est et Ouest, Paris, 16-31 janv. 1959; Volman: lot:. dt. Biblioteca Gino Bianco 109 empêcher l'adhésion de ceux-ci à l'Organisation ouvrière régionale interaméricaine (O.R.I.T.I.), affiliée à la Confédération internationale des syndicats libres (C.I.S.L.). Au Pérou, le groupe communiste dirigé par Luna, alors membre du Sénat, collabora activement avec la dictature du général Odria, réussissant - avec l'aide de la police gouvernementale - à enlever à l'A.P.R.A. la direction de certains syndicats. Même après le retrait d'Odria en 1956 et l'avènement· d'un gouvernement démocratique sous la présidence de Manuei Prado, les communistes surent garder la direction de certains syndicats, surtout dans le sud du pays. Ils s'opposèrent au gouvernement Prado, fomentant de nombreuses grèves, non pour des motifs économiques, mais pour créer des conditions favorables à un coup d'État militaire et à l'instauration d'une nouvelle dictature. Au Brésil, les communistes soutinrent Vargas, malgré les persécutions de sa précédente administration. Ils réussirent ainsi à noyauter l'armée et à maintenir leur influence électorale. Cependant, aux élections d'octobre 1958, les communistes s'allièrent à deux partis fortement démagogiques- « trabalhista » (travailliste) et progressiste social. Le chef du P.C., Luiz Carlos Prestes, proclama que l'alliance était durable et inconditionnelle, mais elle n'en devait pas moins être un fiasco et faire perdre aux communistes un grand nombre de voix 19 • Enfin, à Costa-Rica, pendant la présidence de José Figueres, leader politique démocratique, les communistes collaborèrent en 1955 avec leur vieil allié Calderon Guardia et d'autres éléments réactionnaires dans une tentative d'invasion à partir du Nicaragua; cette tentative avortée fut activement soutenue par les dictateurs du Nicaragua et du Venezuela, le général Somoza et le colonel Perez Jimenez 20 • Avantages mutuels L'OBJECTIpFremier des dictateurs, en s'alliant avec les communistes, est tout simplement de se maintenir au pouvoir. Pour ce faire, ils doivent réduire au silence l'opposition démocratique, et l'alliance avec les communistes, tacite ou ouvertement reconnue, répond à ce but. Les communistes, souvent avec l'aide de la police du dictateur, éliminent les dirigeants démocratiques des syndicats et maintiennent ces derniers sous la coupe du dictateur : il n'y a presque pas eu de grèves là où de telles alliances existaient. En même temps, le fait de laisser le parti communiste fonctionner permet au dictateur d'affirmer qu'il n'y a pas persécution politique. D'autre part, les communistes lui fournissent souvent des 19. Mundo del trabajo libre, Mexico, oct.-nov. 1958, p. 25. 20. Victor Alba : « El caso de Costa-Rica», in Resaca, Mexico, fév. 1955.

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