108 De nouveau, dans une déclaration concernant une convention collective conclue en avril 194 5 entre la Fédération mexicaine du Travail (C.T.M.) et l'Association des industries de transformation, Lombardo disait : Nous avons l'intention de respecter les droits acquis, car nous respectons la propriété privée - notez-le bien, - car nous sommes les défenseurs de la propriété privée dans la période historique que traverse le Mexique 15 • Ces déclarations de Lombardo étaient extrêmement significatives, car de 1938 à 1948 il fut la figure la plus marquante du mouvement communiste latino-américain tout entier, bien qu'il affirmât n'être pas formellement membre du Parti. Raffinement et cristallisation JUSQUE-LA, l'appui prêté par les communistes aux dictateurs d'Amérique latine, équivalant dans bien des cas à une véritable alliance, avait été essentiellement une adaptation pragmatique aux conditions politiques locales. Mais avec la guerre froide il devint un système régulièrement employé. Deux conditions sont essentielles pour l'emploi efficace de cette tactique de « soutien critique » ou «concubinage politique » : les circonstances locales et internationales doivent en favoriser l'application et il faut pouvoir faire oublier que le Parti a recouru à cette tactique .quand le dictateur finit par tomber, mourir ou démissionner. La première de ces conditions fut presque constamment présente dans divers pays d'Amérique latine pendant les années 1948-58 qui virent l'apparition de nouvelles dictatures en Argentine, au Venezuela, au Pérou, à Cuba, à Haïti et en Colombie, et la continuation de celles qui existaient déjà au Nicaragua, au Paraguay et dans la république Dominicaine. La deuxième condition fut remplie par les partis communistes eux-mêmes, qui trouvèrent la réponse en se scindant en deux fractions ou davantage, chacune ayant sa mission distincte. Ce moyen, qui est particulier à l'Amérique latine (mais qui n'est pas son monopole), s'imposa sans doute à l'origine spontanément, mais fut pratiqué par la suite de manière régulière et consciente. Les exemples de l'organisation double ou multiple du Parti sont nombreux. Ainsi le Mexique compte : un P.C. officiel qui adhère aux positions orthodoxes ; un parti ouvrier et paysan dirigé par Valentin Campa ; un parti socialiste populaire dirigé par Lombardo Toledano qui se prétend indépendant d~ communistes, mais n'en applique pas moins toutes les directives de Moscou. Au Venezuela, les deux groupes corn15. Cité par A. Lopez Aparicio : El Mooimiento obrero en Mexico, Mexico 1952, p. 234. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE. COMMUNISTE munistes sont les communistes dits «rouges», qui s'opposaient a~ di~atures. de la péri~de 1948-58, et le parti «notr » qw les soutenait;· Quintero, dirigeant du deuxième parti camo~flé, assiste aux réunions de la F.S.M., et les syndicats dominés pendant cette période par les «noirs » étaient affiliés à la C.T .A.L. L'Argentine a un parti communiste dirigé par Vittorio Codovila et Rodolfe Ghioldi et une Ligue communiste dirigée par l'ami de Lombardo, Isaac Libenson, et R. Puiggros. La Bolivie a eu par moments deux et même trois P.C. sous des noms différents, tels que le parti ·révolutionnaire de gauche et le parti unifié de gauche. Le Pérou n'a qu'un seul P.C., mais celui-ci est divisé en deux groupes, l'un dirigé par Camero Checa et Jorge del Prado, l'autre par Juan P. Luna et Victor Parra. A l'exception du Mexique, tous ces pays ont connu des dictateurs au cours des douze dernières années. Dans chacun d'eux, le parti communiste camouflé a collaboré ouvertement avec le dictateur et a donc pu fonctionner légalement, tandis que l'organisation avouée du Parti opérait dans la clandestinité ou en exil, s'efforçant surtout d'infiltrer les partis démocratiques également illégaux et persécutés. Dans chaque cas, l'une des deux organisations (pas toujours le parti illégal) maintenait des relations officielles avec Moscou, tandis que l'autre n'avait que des contacts secrets. Ni l'une ni l'autre ne fut toutefois l'objet du traitement classique réservé par Moscou aux hérétiques et il est évident que la seule différence entre elles était le soutien au dictateur ou l' opposition à celui-ci ; dans les affaires internationales, toutes deux suivaient la même ligne, celle prescrite par la diplomatie soviétique. Les syndicats dominés par les communistes dans les pays gouvernés par des dictateurs étaient le plus souvent affiliés à la C.T .A.L. de Lombardo 16 • En Argentine, par exemple, Peron bénéficia toujours des conseils de Puiggros et de l'appui de sa Ligue communiste et de ses groupes de jeunes~ Dans les syndicats, c'étaient les communistes qui coopéraient le plus étroitement avec les dirigeants péronistes pour éliminer les éléments socialisteset anarcho-syndicalistes. Même le P. C. régulier sous Codovila et Ghioldi ne fut pas très agressif envers Peron et peu de communistes furent emprisonnés ; pas plus que le gouvernement ne refusait des passeports aux communistes qui désiraient assister à des congrès à l'étranger. Après la fuite de Peron en septembre 1955, péronistes et communistes continuèrent à collaborer étroitement pour saboter les régimes démocratiques qui suivirent et il apparaît maintenant que le «castrisme» s'est joint à eux. Au Paraguay, où il y a eu une série de dictateurs, les communistes ont soutenu certains et se sont opposés à d'autres. Notamment, ils soutinrent le général Morinigo qui autorisa 16. Alba : &quema historico del comunismo••• pp. 148 sqq.
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