V. ALBA latino-americana (C.S.L.A.). Mais les mouvements communistes ne prospéraient généralement pas. D'autres partis - notamment ceux d'un caractère « populiste » ou «nationaliste-révolutionnaire » - attiraient davantage les masses, alors que les communistes ne pouvaient profiter que de l'effet de la révolution russe sur les étudiants et les intellectuels. Lorsque, en 1928, Moscou ordonnâ de reprendre la guerre totale contre la social-démocratie, maintenant dénoncée comme «socialfascisme», les communistes latino-américains s'alignèrent bien entendu. Mais leur assaut s'étendit aux partis de gauche ou populistes, ainsi qu'aux «anarcho-syndicalistes» (baptisés «anarcho-fascistes » dans la terminologie stalinienne adoptée en Espagne, en Argentine, au Pérou et dans d'autres pays où cesmouvements existaient en force). Le principal objectif de l'attaque était alors - et est encore - l' Alianza popular revolucionaria americana (A.P.R.A.), formée en 1924 au Mexique par le populaire leader péruvien Victor Raul Kaya de la Torre et organisée en « parti du peuple» en 1930 au Pérou. S. Lozovski, alors chef de l'Internationale syndicale rouge, dit en 1928 de l'A.P.R.A. : « Je ne crois pas que l'Alliance de Haya soit particulièrement révolutionnaire, populaire ni même américaine 2 .» Les communistes savaient ce qu'ils faisaient en s'opposant à l'A.P.R.A. En février 1927, au congrès de Bruxelles patronné par Moscou et qui fonda la Ligue contre l'impérialisme, Haya de la Torre s'était vigoureusement opposé à la résolution concernant l'Amérique latine ainsi qu'à une proposition tendant à former des sec- .tions nationales de la Ligue. La lutte anti-impérialiste en Amérique latine, objectait-il, devrait être menée non par un parti ne représentant qu'une seule classe, mais par des partis unissant plusieurs classes ; et ces partis, au lieu de recourir à la tactique des communistes dans les pays industriels, devraient traiter l'impérialisme comme un phénomène économique ambivalent contenant des éléments de progrès en même temps que des éléments dangereux. Dans les pays industriels, l'impérialisme pouvait être le stade suprême du capitalisme, comme l'affirmait Lénine, mais en Amérique latine il en représentait le premier stade. La délégation A.P.R.A. fut la seule à s'opposer à la résolution adoptée par le congrès de Bruxelles et quand le congrès suivant de la Ligue eut lieu à Francfort, en 1930, Haya n'y assista pas. Une motion tendant à «excommunier» l'A.P.R.A. fut présentée à Francfort, mais elle fut bloquée par un délégué du chef des guérillas nicaraguayennes, Cesar Augusto Sandino, qui menait alors une insurrection contre le gouvernement et contre la présence des marines au Nicaragua 3 • 2. Alba : Bsguema..., p. 62. 3. Ibid., pp. 81 sqq. Biblioteca Gino Bianco 10S Tout cela n'empêcha pas le Comintem de prescrire plus tard aux communistes d'Amérique latine de rechercher une alliance avec l'A.P.R.A., devenue beaucoup plus forte. Moscou commençait alors à évoluer vers une tactique de front populaire. Les dirigeants de l'A.P.R.A. continuèrent cependant de refuser de collaborer avec les communistes 4 • Pendant toute cette période, l'A.P.R.A. fut' persécutée par le gouvernement, comme les autres partis populistes et socialistes que les communistes combattaient. Il n'y avait pas alliance explicite entre les communistes et la dictature gouvernementale, mais leurs attaques étaient généralement dirigées contre les mêmes objectifs. Avec le passage à la tactique de Front populaire, les communistes firent naturellement cesser toutes ces attaques. Ils continuèrent néanmoins à se méfier des mouvements populistes et socialistes, et ce n'est qu'au Chili et - à un degré moindre et sous d'autres formes - au Mexique et· au Brésil qu'il y eut des alliances passagères entre les communistes et ces mouvements. Pour éviter d'indisposer leurs alliés politiques du moment et les gouvernements du camp démocratique, les communistes s'efforçaient de mettre un frein à l'agitation ouvrière et aux grèves. Cette politique, qui leur valut le surnom de «pompiers», fut poussée si loin qu'au Mexique par exemple elle amena les communistes à prendre position, du moins implicitement, contre la nationalisation de l'industrie pétrolière. L'histoire de cet épisode révélateur mais peu connu mérite d'être rappelée. En mars 1937, le syndicat mexicain des ouvriers du pétrole déclencha une grève qui menaçait de paralyser l'industrie pétrolière. Au plus fort de la grève, la Confederacion de trabajadores de Mexico, sous la direction de Vicente Lombardo Toledano, intervint afin de persuader le syndicat d'y mettre fin 5 • En même temps, le P.C. mexicain proposait que la production d'une entreprise pétrolière appartenant au gouvernement fût augmentée pour atténuer l'effet de la grève et qu' «au cas où le mouvement se prolongerait » le gouvernement prît provisoirement la direction des sociétés affectées par la grève ; mais la proposition évitait soigneusement toute allusion à la nationalisation » (El Machete, . Mexico, 6 juillet 1937). Ainsi le Parti renonça à l'une de ses revendications capitales, car pousser à la nationalisation aurait pu porter préjudice à la diplomatie soviétique qui cultivait l'amitié des puissances démocratiques. 4. V. R. Haya de la Torre : « Sobre la historia del comunismo en America y una rectificacion », in Cuadernos americanos, Mexico 1955. 5. Rodolfo Pina Soria : « Viaje por suscripcion popular •• in Accion social, Mexico, 15 mars 1943.
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