K. PAPAIOANNOU sociale » qui mettra une nouvelle classe à la tête du P!ogrè~. ~si la crise est provoquée par « le co~t qw a lieu entre les forces productives s~c1ales et les , rapports de production », et son denouement dependra de la maturité des forces productives existantes. Car... ...une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu'elle est _capable de contenir et jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s'y substituent avant que les conditions d'existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. C'est pourquoi l'humanité pose toujours des problèmes qu'elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de naître. , « Que~~ptimisme robuste émane de ces paroles : 1 human1te ne se pose que des problèmes qu'elle peut résoudre», commentait Plékhanov 26 en un temps où personne dans le mouvement ouvrier ne soupçonnait que le problème du socialisme allait être posé à la société qui était le moins préparée à !e résoudre. En fait, seul l'optimisme peut expliquer une construction aussimythologique et seul l'enthousiasme a pu empêcher Plékhanov et le~ inn?mbrables, commentateurs de remarquer que Jam~s Marx n a apporté la moindre preuve à l'appui de cette thèse où toutes les classes dirigeantes du passé font figure d'entrepreneurs schumpétériens et où la crise (anticipée) de surproduction capitaliste devient subitement rétroactive et régit toutes les mutations révolutionnaires du passé. Certes, Marx a cru un instant trouver une confirmation de sa théorie dans l'évolution de la société féodale (occidentale) : Pour bien juger la production féodale, il faut la considérer comme un mode de production fondé sur l'antagonisme. Il faut montrer comment la richesse se produisait au-dedans de cet antagonisme, comment les forces productives se développaient en même temps que l'antagonisme des classes, comment l'une des classes, le mauvais côté, l'inconvénient de la société allait toujours croissant, jusqu'à ce que les condition~ matérielles de son émancipation fussent arrivées au point de maturité 27 • . O~ ne sa}lrait ~hoisir pire exemple. Marx 1mag1neune econom1eféodale dynamique, emportée par ce même mouvement d' « accroissement C?ntinuel des forces productives » qu'il a par atlleurs considéré· comme la caractéristique spécifique du capitalisme moderne. Mais l'augmentation de la productivité du travail et l'idée du profit qui en est le corollaire sont incompatibles avec la situation du domaine féodal. « Nulle part, dit J. Pirenne, on n'aperçoit le moindre effort pour 26. Op. cit., p. 89. 27. MPh, p. 97. Bibli9teca Gino Bianco 93 rompre avec les procédés séculaires d'assolement, pour adapter les cultures aux propriétés du sol, pour perfectionner les instruments agricoles. L'immense capital immobilier dont disposent l'Église et la noblesse ne produit somme toute qu'une rente foncière insignifiante eu égard à sa capacité virtuelle 28 • » Essentiellement statique, fermé, étranger à l'idée de profit et de maximation du profit, le domaine féodal n'a jamais eu la puissance et la fécondité économiques que Marx lui attribue. << Loin d'avoir formé les bourgeoisies, on peut dire, au contraire, qu'il a retardé leur apparition 29 • » Marx et la stagnation précapitaliste MARx,qui a décrit sur le mode dithyrambique la lente émergence de la société bourgeoise moderne, n'a jamais indiqué le caractère exceptionnel de l'évolution qui lui a permis de s'arracher à la gangue de l'Ancien Régime et d'imposer ses valeurs à l'ensemble de la société. Lui, qui a opposé de la manière la plus tranchante le dynamisme économique « révolutionnaire » de la bourgeoisie capitaliste à l'immobilisme de « toutes les classes antérieures», à la « crasse paresse» 30 des féodaux, à la « thésaurisation improductive » et _aux dépenses somptuaires des esclavagistes antiques, au «parasitisme» des bureaucraties, il a construit toute une explication de l'histoire « universelle » dans laquelle le «développement des forces productives » apparaît comme un démiurge jaloux qui promet alliance et fidélité aux classes qui le servent et qui délaisse avec courroux celles qui cessent d'obéir à ses commandements. Pourtant Marx savait parfaitement combien il est absurde de prêter aux classes dirigeantes du passé les soucis productivistes et la volonté d'innovations techniques qui caractérisent presque exclusivement la classe des entrepreneurs modernes. La bourgeoisie, dit-il dans le Manifeste communùte ... ...ne peut exister qu'à condition de révolutionner sans cesse les instruments de travail et le mode de production, c'est-à-dire tous les rapports sociaux. La conservation de l'ancien mode de production était au contraire la première condition d'existence de toutes les classes industrielles antérieures. Ce bouleversement constant des modes de production, ce continuel ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l'époque bourgeoise de toutes les époques précédentes 11 • D'après Marx, chaque classe dirigeante est contrainte par une impérieuse nécessité histo28. J. Pirenne, D. Cohen et H. Focillon : La Civilisation occidentale au Moyen Age, Paris 1941, p. 60. 29. J. Pirenne : Les Villes et les institutions urbaines Paris., 1., 11. ' 30. MC, p. 59. 31. MC., p. 60.
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