84 le proces~us de développe~ent de l'idée égalitaire, qw enveloppe aussi, pour les masses, l'essence éthique du socialisme. Elles confèrent à l'égalitarisme la valeur affective qui donne a? socialisme sa ressemblance formelle avec les reli- . gions. Dès lors nous sommes en mesure de présenter une définition complète du socialisme. Le socialisme est l'idée de : a. la plus grande rationalisation (organisation) possible de la vie économique, rationalisation obtenue par b. l'appropriation absolue ou prédominante par la collectivité du droit de propriété sur tous les moyens ou instruments d'activité économique c. afin d'établir la plus grande égalité de biens parmi les hommes. Le cc petit homme » et le cc grand homme » III. - LE CONCEPT d'égalité est l'idée motrice du mouvement socialiste, la source de sa valeur affective et en même temps son fondement - pour ainsi dire métaphysique. De cette idée procède ce que l'on pourrait appeler les aspects métaphysiques et romantiques du socialisme, distingués de sa doctrine économique et de sa technique propre exprimées par l'idée d' organisation. La conception socialiste du droit forme le lien qui unit l'égalitarisme à l'idée d'organisation. L'égalitarisme socialiste est on ne peut plus étroitement lié aux doctrines philosophiques dont est issu le socialisme. Dans ses manifestations caractéristiques, le socialisme est un maillon nécessaire dans une chaîne philosophique dont le premier terme est le sensualisme (matérialisme) et le deuxième, l'utilitarisme. L'homme est le fils des circonstances, le produit de son milieu. Il n'est pas responsable de ses actes, sa nature se prête à une perfectibilité infinie; aussi est-il permis de penser qu'en agissant, dans le sens voulu, sur les circonstances extérieures, les hommes pourront être amenés à faire facilement le bien et à rejeter le mal sans effort. D'où la foi illimitée en l'éducation, au sens le plus large du mot, car l'éducation est « la plus puissante des circonstances extérieures » (Owen). Les hommes sont égaux et également perfectibles. Le péché est étranger à leur nature ; celle-ci n'est corromp1:1eque par le mauvais régime social. Il suffira de remplacer ce système, irrationnel et mauvais, par un régime bon et rationnel pour que la noble nature humaine . triomphe du mal social. On peut faire n'importe quoi d'un homme ; ou, plus précisément, les hommes sont entièrement déterminés par les circonstances extérieures. Celles-ci « fabriquent des caractères », selon l'expression imagée de Owen. Il est nécessaire de trouver un éducateur puissant et sage. Ce rôle peut et doit revenir à la collectivité. Le socialisme croit à la production sociale de cc petits hommes », homunculi, par un « grand homme» omnipotent, makranthropos. Ces Bibliotec Gino BiancG--- LE CONTRAT SOCIAL deux concepts, homunculus et makranthropos, complètent et définissent la significationessenttelle du socialisme en tant que système et philosophie du monde. A partir de l'argile humaine, le « grand homme », la collectivité, produit des petits hommes parfaits et égaux, les homunculi• Tel est l'idéal social du socialisme. Après avoir conquis l'esprit des chefs, il s'est emparé, sous l'impulsion de ceux-ci, de l'âme, du cœur et des aspirations de la masse. Le socialisme cc scientifique » ou marxisme IV. - MA1s cette conquête de l'esprit des chefs ne s'est pas faite de façon simple et immédiate. Dans l'évolution du socialisme,mouvement social, la transition de la phase « utopique » à la phase « scientifique » a été de la plus grande importance. Il est nécessaire d'analyser objectivement ce processus et de l'interpréter historiquement. Comme on le sait, les notions de socialisme « scientifique » et de son antithèse, le socialisme cc utopique », ont été formulées par Marx et Engels. Nous employons cette terminologie parce que couramment admise et largement répandue, tout en en rejetant entièrement la signification [implicite]. En effet, le marxisme, · dans la mesure où il est scientifique, ne contient pas la moindre parcelle de socialisme. Et dans la mesure où il est socialiste il est essentiellement, et dans le mauvais sens du mot, utopique. On est aujourd'hui mieux fondé à parler du caractère relativement utopique du socialisme scientifique et du caractère relativement scientifique du socialisme utopique que d'une antithèse entre les deux doctrines. La teneur et la significationdu socialisme « scientifique» en tant que révision idéologique du socialisme (au sens d'idéal social) tiennent à la présentation d'une idée soc!ale spécifique (l'idée socialiste) comme une conséquence historiquement inévitable de l'évolution économique et du mouvement socio-politique. Mais dès lors il est clair que le socialisme « scientifique » accepte sans critique l'idée socialiste elle-même et s'efforce simplement de la démontrer historiquement. Or une telle tentative soulève un problème scientifique de grande ampleur. Le socialismescientifique formule une certaine théorie de l'évolution économique et sociale ; c'est une théorie historico-sociologique, et en même temps quelque chosed'autreun certain idéal social. Mais peut-on fonder historiquement un idéal ? On ne trouve dans le socialismé scientifique - et c'est là un fait essentiel - ni analyse sociologique ni critique sociologique du socialisme lui-même en tant qu'idéal social. Il l'accepte purement et simflement. Ainsi le socialisme scientifique connent . deux éléments tout à fait disparates : la théorie historique et sociologique, ou plus précisément, des éléments de cette théorie (matérialisme économique, théorie de l'évolution économique), et l'idéal ·socialiste.
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