B. SOUVARINE « ne revient pas à dire qu'elles ne diffèrent pas sur la façon d'envisager certaines questions, ni que n'existent pas des différences d'accent dans les politiques des deux pays », il n'y a rien à objecter («différences» au sens de cc dissemblances »). Tchou ajoute avec raison que si les deux politiques cc étaient exactement identiques, ce serait en vérité quelque chose d'étrange et d'incompréhensible». Tout le monde sait que l'Union soviétique participe à l'ONU à côté des représentants de la Chine nationaliste, tandis que la Chine communiste cc ne prendra part à aucune réunion ou organisation incluant la clique de Tchiang Kaïchek », ce qui correspond «aux différentes situations des deux pays ». Autre exemple : cc Les U.S.A. et l'URSS ont des relations diplomatiques et furent alliés dans la guerre mondiale. La Chine n'a pas de telles relations et son attitude envers les U.S.A. ne peut être semblable à celle de l'URSS. »Remarques incontestables qui n'impliquent aucun cc conflit idéologique ». Les deux communismes cc sont également communistes, mais leurs fleurs (sic) sont de nuances différentes», poursuit Tchou, qui affirme que le développement industriel de la Chine ne dépend pas de l'aide extérieure, mais que « l'aide soviétique a été particulièrement grande » entre autres apports de plusieurs pays communistes. Au sujet des techniciens soviétiques, il explique : « Au total 20.000 spécialistes soviétiques sont venus en Chine. C'est un phénomène normal que leur nombre décline à mesure que les Chinois euxmêmes acquièrent les connaissances techniques. Il est normal aussi que les techniciens chinois . envoyés dans les nations amies reviennent après achèvement de leurs études. Les techniciens soviétiques ne resteront pas en Chine toujours. » Une hypothèse analogue à cette version avait été émise ici-même dans l'article Ombres chinoises. Questionné sur la suppression de deux publications chinoises naguère distribuées en URSS, Tchou répond qu'elles ne sont plus nécessaires, d'autres moyens d'échanges étant pratiqués entre Moscou et Pékin. Réponse peu convaincante, mais d'importance mineure. Enfin, dit le premier ministre chinois: « En ce qui concerne les armes nucléaires, je puis affirmer que je ne sais pas moi-même quand nous en fabriquerons. »Modestie qui contraste avec les racontars périodiques de la presse occidentale annonçant l'imminence des bombes atomiques chinoises. Sur les thèmes qui touchent à l'idéologie proprement dite, Tchou tient le même langage que ·Khrouchtchev. «Parlant de l'unité du camp socialiste et de la coexistence pacifique, le premier ministre a déclaré que tous les pays communistes ont les mêmes principes et se dirigent dans la même direction», résume l'agence Associated Press, qui cite textuellement : «Les deux partis et les gouvernements de la Chine et de l'Union soviétique, de même que les autres pays socialistes, forment un bloc (...) Ils sont tous en Biblioteca Gino Bianco 79 faveur de la coexistence entre pays ayant des systèmes sociaux différents. La coexistence pacifique n'est pas une question de tactique (...) » Etc. On connaît la ritournelle. A noter que cette interview eut lieu avant la Conférence des quatre-vingt-un partis, comme aussi la déclaration suivante de Mao à M. Edgar Snow : cc Nous assumerons les responsabilités de la paix dans le monde, que les États-Unis• reconnaissent ou non la Chine, que cette dernière soit admise ou non aux Nations Unies. Nous voulons le maintien de la paix. Nous ne voulons pas la guerre. La guerre ne doit pas être un moyen de régler les différends entre deux pays.» La Conférence de novembre n'a donc pas eu à vider une querelle de l'espèce décrite par les faux documents de l' Observer, les intéressés ayant « mis leurs montres à l'heure » sans l'attendre, en secret et en petit comité, à leur habitude. Et l'on dispose maintenant de données suffisantes pour définir les «dissemblances» appelées abusivement, et vulgairement, « conflit idéologique ». KHROUCHTCHEV ET MAo ne sont que les épigones de Staline, ils s'accordent évidemment sur tout l'essentiel, et d'abord sur l'idéologie (au sens de Marx, pas de Destutt de Tracy), sur leurs perspectives optimistes, sur la stratégie globale, sur la division du travail, mais non pas sur leur place respective au sommet de la hiérarchie communiste. Tous deux sont à la fois dogmatiques, en tant qu'héritiers d'une doctrine figée, et révisionnistes autant que les nécessités de la pratique conservatrice ou conquérante exigent parfois de l'exégèse. Ils n'ont certainement aucun goût pour le suicide, donc aucune raison d'envisager l'éventualité d'une guerre atomique, ni de craindre la moindre initiative belliqueuse américaine, et par conséquent ils partagent la même conception de cc coexistence pacifique» c'est-à-dire de guerre politique sans relâche. Mais Mao se prend pour le légataire spirituel de Marx, d'Engels et de Lénine, il ne reconnaît pas à Khrouchtchev la primauté dont, sous tous les rapports, le régime soviétique se prévaut sur le communisme chinois. La clef de leur comportement gît dans les relations personnelles, non dans un « conflit. idéologique ». ccLe plus grand théoricien du marxisme-léninisme contemporain », comme Mao aime à se faire qualifier par ses courtisans, donne sa mesure intellectuelle et morale en inculquant aux Chinois le « culte de sa personnalité », au nom du matérialisme dialectique. L'article de Richard Walker sur Le culte de Mao ( dans notre n° de septembre dernier), complété par d'autres témoignages (références dans Vent d' Est et dans Ombres chinoises), atteste une mégalomanie qui fait trop penser à certains traits de Staline, dont le sinistre portrait subsiste sur bien des murs en Chine. Le mégalomane doit fatalement se singulariser
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