Le Contrat Social - anno V - n. 2 - marzo-aprile 1961

74 quels dirigeants de la gauche modérée pourraient y résister ? D'ailleurs quelques-uns ne louchentils pas déjà de ce côté-là ? Ils ont de bons garants dans la tradition, et l'on sait assez qu'Herriot aurait volontiers donné des gages au diable pour achever sa carrière à l'Élysée. Le syllogisme révisé IL EST TEMPS, après avoir tenté de montrer comment, non pas théoriquement· et dans l' abstrait, mais réellement et historiquement, se pose le problème constitutionnel, de revenir au syllogisme qui nous est proposé. Nous apercevons alors que, contrairement à ce qu'on nous dit, c'est le régime américain qu'il est impossible de transporter chez nous, car il exigerait l'instauration préalable de nombreuses structures sociales et politiques d'une extrême complexité, la plupart strictement irréalisables dans notre pays. D'ailleurs ce n'est pas une fois, comme on le prétend, mais dix fois qu'on a tenté de mettre sur pied chez nous des régimes analogues, avec différents degrés de séparation des pouvoirs, et le résultat a été uniformément déplorable. En revanche le régime anglais (duqtiel s'inspire et que tend à réaliser notre actuelle Constitution) est un régime aisé à transporter dans d'autres pays, car il est le fruit non de structures politico-sociales complexes, mais d'institutions très simples. Il y en a plusieurs preuves. L'une est qu'il a effectivement été appliqué en dehors de la Grande-Bretagne. Une autre preuve est si aveuglante et a tellement frappé les esprits qu'il est surprenant qu'on n'en tire jamais les conclusions qui s'imposent. Chacun sait que depuis 1906 il y a trois partis en Angleterre. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL L'apparition du troisième parti a bientôt créé une grande confusion dans la vie politique et, entre 1910 et 1929, la Grande-Bretagne a connu. certaines années difficiles. Ce qui a éliminé cette confusion, ce n'est pas une modification de la structure sociale, économique ou politique mais; de l'aveu général, le mécanisme extrêmement simple des institutions anglaises. Le bipartisme britannique et son efficacité sont bien les produits, non de la société, mais de ses institutions. Et il est réalisable ailleurs, à condition seulement qu'on suive le bon chemin pour y arriver. Il y a donc lieu d'écarter résolument ce pouvoir présidentiel dont rêvent ceux qui veulent « survivre à de Gaulle » et ceux qui espèrent se substituer à lui. Le suffrage universel peut bien faire un Président, il ne peut à volonté créer un ~ nouveau de Gaulle. Si d'ailleurs le général de Gaulle pensait luimême à ce mode d'élection comme à un moyen de rendre plus aisée sa propre tâche, il conviendrait de se demander quelle place il s'assigne à luimême dans !'Histoire. En s'attachant à dissiper la confusion politique qui régnait en France lors de son arrivée au pouvoir, il serait l'un de ces hommes •rares qui pour longtemps mettent en forme les institutions de leur pays. Si, au contraire, il opte pour le régime présidentiel, il fixera sa figure comme celle d'un de ces meneurs de peuples dont chaque siècle fournit quelques exemples, et dont la disparition est plus ou moins rapidement suivie de nouvelles périodes de troubles. Un président puissant n'est qu'un masque dissimulant la confusion. Et le hasard, sans doute, peut lui donner un successeur digne de lui. Mais la marée, bientôt, vient recouvrir leurs châteaux de sable. YVES LÉVY. ,

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