Le Contrat Social - anno V - n. 2 - marzo-aprile 1961

68 dont jouissait son promoteur. Le pays ratifiait ainsi la mission confiée à de Gaulle, en des heures dramatiques, dans les formes prévues par la Constitution de la IVe République. Peu après eurent lieu les élections législatives. Personne ne semble avoir remarqué que la nouvelle Constitution a bouleversé la signification des consultations électorales. Jusqu'à présent, en effet, les électeurs étaient, tels des chalands au bazar, devant une gamme très complète de théories philosophiques et politiques, et chacun pouvait faire choix de telle couleur bien tranchée ou de telle nuance infiniment subtile selon sa sensibilité et son idiosyncrasie. Les candidats n'avaient en effet que des idées à offrir, et les ministres eux-mêmes devaient être jugés sur leurs intentions plutôt que sur leurs actes : leur passage au pouvoir avait été trop bref pour qu'ils eussent pu agir avec efficacité, et d'ailleurs .ils avaient été ·paralysés, leur majorité étant trop instable, et trop incertaines leurs alliances. La Constitution actuelle, en créant en fait, sinon en droit, le gouvernement de législature, transforme la face des choses. Désormais ce qui viendra au premier plan, c'est la politique effectivement pratiquée au cours des années écoulées par l'équipe gouvernementale. Et les candidats, de plus en plus, tendront à se classer en partisans et adversaires de cette politique. De là s'ensuivra presque nécessairement un regroupement des tendances politiques, car les théories et les philosophies perdront de leur importance au profit de programmes conçus en fonction d'une action réelle et immédiate. De toute façon les personnalités et les groupuscules - toute cette matière subtile (pour parler comme Descartes) qui tenait tant de place dans notre vie politique - voient d'ores et déjà s'évanouir leur raison d'être et leur excessive influence. Telles sont les implications de la Constitution. Mais pour l'essentiel cette évolution, évidemment, ne concerne que le futur. Jusqu'où elle ira et combien de temps elle mettra à se réaliser, ce n'est pas le lieu de le conjecturer. Ce qui nous intéresse ici, c'est que ces élections sur un strict programme de gouvernement, ces élections où les uns se réclament de leur fidélité au gouvernement en fonction depuis plusieurs années tandis que les autres font figure d'opposition, ces élections qui seront celles de la ve République, ne commenceront que la prochaine fois. Les premières élections devaient inévitablement avoir le style des consultations de la IIIe et de la IVe République. Tout au plus pourrait-on soutenir que la présence du général de Gaulle a joué un certain rôle catalyseur. Encore faudrait-il ne pas surestimer cette action, car on voit que des gens extrêmement différents se sont réclamés de lui. Ce qui n'a rien de surprenant, puisque son nom ne recouvrait aucune politique clairement énoncée, et que d'ailleurs c'est dans l'action que se forge l'unité d'un mouvement. Biblioteca Gino Bianca LE CONTRAT SOCIAL LESDEUXPOINTSqu'on vient de définir - la mission dont de Gaulle a été investi sous la ive République et le style des élections législatives - nous autorisent à affirmer que la Constitution ne peut encore être jugée dans ses effets. On pourrait, empruntant des termes aux · sciences physiques, dire que du point de vue de la statique constitutionnelle nous vivons dans la ve République, mais que du point de vue de la dynamique constitutionnelle nous nous trouvons dans une période .de transition. Et c'est là ce qui permet de comprendre les irrégularités qui ont été dénoncées sans qu'on ait jusqu'à présent tenté d'en découvrir l'origine. Lorsque le problème algérien aura reçu une solution et que de nouvelles élections auront commencé à dissiper la confusion parlementaire où nous vivons, un nouvel équilibre, plus conforme à l'esprit de la Constitution, commencera à se dessiner. Progressivement, la stabilité gouvernementale modifiera et le sens des candidatures et l'esprit du scrutin, et une Assemblée mieux ordonnée conférera au chef du gouvernement plus de prestige et d'autorité. D'ici là, c'est par une manière de nécessité physique que le prestige du général de Gaulle doit assurer au gouvernement une fermeté que sa base parlementaire ne lui accorde pas aussi nettement qu'il le faudrait. SI donc on reconnaît le caractère transitoire de la période où nous vivons, la Constitution semble fonctionner de façon convenable, et nous promettre une évolution qui nous rapprochera de la relative régularité de la vie politique anglaise. On pourrait certes envisager certaines réformes, certaines techniques qui permettraient de hâter le moment où le pays enverra à l'Assemblée une majorité cohérente. Mais ce n'est pas le lieu de s'étendre sur ce point. En revanche, il n'est pas inutile d'examiner les réformes demandées de divers côtés et celles qu'envisage le gouvernement lui-même. Le système présidentiel en France ON NOUS PROPOSEle régime présidentiel. Ouvrons donc le livre de !'Histoire pour y apprendre les bienfaits que ce régime a apportés aux peuples qui l'ont connu. Or nous y lisons que, tandis que le régime anglais se transportait sans difljculté dans plusieurs Dominion;, et y fonctionnait avec la même régularité que dans la mère patrie, l'élection du Président au suffrage universel aboutit d'ordinaire, et très rapidement, à la tyrannie. Il y a eu l'Allemagne de Weimar, qui conduisit à l'aventure hitlérienne, à cette tyrannie si barbare que la catastrophe nationale qui y mit fin semble être un bien pour l'Allemagne elle-même. Il y a eu toutes les variét~s du présidentialisme sud-américain. Il Y. a eu chez nous la Seconde République, qw

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