52 dites « sous-développées ». Il paraît possible, voire probable, que la théorie d'accumulation contribue, dans les pays qui viennent d'accéder à l'indépendance, à éclairer certains aspects des rapports entre le capitalisme adolescent et le vaste milieu non capitaliste, à peine exploré, qui existera longtemps encore. LUCIEN LAURAT. Colonialisme et impérialisme ALEXANDRBE NNIGSENet CHANTALQUELQUEJAY : Les Mouvements nationaux chez les musulmans de Russie. Le « sultangaliévisme » au Tatarstan. Paris-La Haye 1960, Mouton & Co., 285 pp. CET OUVRAGeEst particulièrement opportun alors que l'URSS, de nos jours le plus grand État colonialiste, s'érige devant l'opinion mondiale· en défenseur des peuples opprimés et en champion de la « décolonisation ». Commencée sous Ivan le Terrible, achevée seulement dans le dernier quart du x1xe siècle en Asie Centrale et en Asie Mineure, l'histoire de la conquête et de la colonisation par la Russie des populations musulmanes voisines reste inconnue du grand public européen. Quant au maintien de ces conquêtes, à l'évolution des relations entre Moscou et les minorités allogènes, aux réactions de celles-ci devant la solution du « problème des nationalités » qu'on s'efforce de leur imposer, ce sorit là des questions qui ne sont suivies en Occident que par quelques spécialistes. L'étude objective en est des plus difficile.D'une part, les archives soviétiques restent inaccessibles aux chercheurs. Les publications soviétiques, russes et tatares, officiellesou officieuses, dont la sortie était jadis autorisée, sont devenues des raretés bibliographiques et ne peuvent plus être consultées que dans certaines bibliothèques publiques ou privées. On les trouve surtout en Turquie, terre d'élection des réfugiés musulmans de Russie, qu'elle soit tsariste ou soviétique. Les écrits de ces réfugiés constituent la seconde source d'informations, tout aussi tendancieuse mais dans un sens opposé. Alexandre B~nnigsen a acquis la notoriété comme spécialiste des musulmans de l_lussie._En · 1959, Mlle Quelquejay avait publié plusieurs ouvrages sur les mêmes problèmes 1 , notamment 1. « Die nationalistischen Abweichungen in der Tatarischen Autonomen Sovietrepublik », in Forschungen zur Osteu.ropaischenGeschichte, université de Berlin, 1959, t. VII, pp. 323 à 396.; « Le Vaïsisme à Kazan. Contribution à l'étude des confréries musulmanes chez les Tatars de la Volga», in Die Welt des lslams, Leyde 1959, vol. VI, n° 1-2; « Antiislamic Propaganda in Kazakhstan since 1953 », in The Middle East Journal, Washington, été l959. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL un répertoire des cc Sources bibliographiques sur l'Islam soviétique »2 • Avec une rigueur scientifique exemplaire, l' ou- · vrage commun de ces auteurs fait l'histoire d'une période particulièrement instructive de la résis- · tance que les éléments progressistes de la population islamique, surtout tatare, opposèrent à la domination russe, d'abord tsariste, puis soviétique. Résistance particulièrement active en 191730, alors que chez les .communistes musulm~s soviétiques prédominait la tendance c< sultangahéviste » nationaliste, dont les prolongements persistent et ne cessent point d'inquiéter Moscou. Tatar de la Volga, né vers 1880, écrivain et publiciste, rallié au marxisme depuis la révolution de 1905, Sultan Galiev avait joué un rôle important dans le mouvement nationaliste tatar à la fin du régime tsariste et s'était inscrit au parti bolchévique en novembre 1917. Pour ses dons d'orateur et d'organisateur, il fut chargé des affaires musulmanes au commissariat du peuple aux Nationalités, dirigé alors par Staline. Son histoire, ses idées, ses luttes contre 1~ politique communiste russe, sa chute et sa condamnation constituent le fond. de l'ouvrage. Pour commencer, les auteurs ont pris soin de présenter, sous une forme concise, l'évolution des relations russo-tatares depuis la prise de Kazan par Ivan le Terrible en 1552 et l'annexion du khanat de Kazan à la Russie jusqu'à la révolution d'Octobre. Sur cette _toile de fond, la carrière de Sultan Galiev se lit comme un roman, bien que chaque fait, chaque affirmation soient toujours accompagnés d'une référence précise à la source de documentation. . Sultan Galiev, dont le marxisme était peu orthodoxe, s'était efforcé depuis 1918 de convaincre les dirigeants de la 3e Internationale que, contre l'opinion générale, c'était l'Orient, et non l'Occident, qui était appelé à assurer la victoire du communisme dans le monde entier. Il suffisait pour cela d'organiser en Russie un grand État tatarobachkire, destiné à rallier les musulmans de l'ancien empire et à devenir un pôle d'attraction pour les peuples musulmans d'Asie et d'Afrique. De ce centre devait rayonner sur le monde islamique une intense propagande communiste, mais adaptée à la mentalité nationaliste, encore très imprégnée de foi coranique; des populations. Bien. entendu, cette propagande devait être orchestrée par Sultan Galiev et ses collaborateurs. Ces Tatars communistes étaient· convaincus de la nécessité de· gagner la sympathie de tous les élé- . ments progressistes et cultivés de la société musulmane. Or ces éléments ne se trouvaient que dans la bourgeoisie et le clergé, ce qui imposait une 2. In Cahiers du monde russe et soviétique, n° 1 de 1959 et n° 2 de 1960.
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