Le Contrat Social - anno V - n. 1 - gennaio 1961

E. DELIMARS ressort de ce tableau qu'en 28 années la production nette a augmenté de 14,6 fois, alors que la production brute s'est accrue de 22,9 fois (p. 236). Si l'on traduit ce tableau en graphique comme l'a fait Elisabeth Marbury 13 , on obtient deux courbes nettement ascendantes et l'on constate que la courbe supérieure (production brute) monte beaucoup plus rapidement et s'écarte de plus en plus de celle de la production nette. Phénomène inhérent à la nature même de la production brute calculée à la soviétique, et qui était déjà souligné dans l'article de la 1re édition de la Grande Encyclopédie cité plus haut : La catégorie de la production brute possède encore une particularité qui limite son utilité économique : c'est l'inégalité de la comptabilisation réitérée ellemême, qui dépend du niveau de concentration de l'industrie. Cette concentration entraîne l'individualisation marchande du produit aux divers stades du processus de fabrication. Plus l'industrie est concentrée, plus grande est la proportion des marchandises qui ne sont pas directement livrées sur le marché, mais utilisées par l'industrie de transformation. La valeur et le volume de ces marchandises, nous l'avons vu, comptent comme production brute dans chaque entreprise qu'elles traversent avant d'aboutir au produit fini. Le développement, la concentration de la fabrication et la spécialisation de plus en plus poussée de l'industrie soviétique qui multiplie les usines et les disperse à travers le pays tout en les coordonnant, augmentent de plus en plus la fréquence de cette comptabilisation réitérée. Il en résulte un accroissement constant de l'écart entre les indices de ·la production brute et la production nette, réelle. CETTE DISPARITÉ est peut-être une des raisons qui, ces dernières années, incitèrent les économistes à rechercher d'autres méthodes d'évaluation ; car les progrès indéniables de l'industrie soviétique auraient abouti d'ici peu à des chiffres de production brute si fan_tastiqu~s que la propagande, malgré son effronterie, aur~t eu du mal à les présenter à un public tant soit peu averti. Adoptera-t-on à Moscou le calcul de la production nette dans le sens soviétique de ce terme - c'est-à-dire en défalquant de la productio? brute toutes les dépenses matérielles de la fabrication (matières premières, combustible, énergie et autres matériaux), ainsi que l'amortissement ? Cette production se rappr~cher~ de la cc valeur ajoutée», mais ne coïncidera avec elle que dans le bilan total de l'économie nationale. Aura-t-on recours à la . value added by manu- /acture des ·Américains ou au net output des 13. u Note on some Soviet Statistics », in Bast Europe, Washington, n° 11, novembre 1960. Biblioteca Gino Bianco 49 Anglais, méthodes d'ailleurs assez voisines de la « production nette » soviétique ? Ou bien trouvera-t-on une astuce nouvelle afin de rendre les chiffres plus vraisemblables, sans leur enlever pour autant leur valeur de propagande ? Quoi qu'il en soit, rien n'est changé pour le moment. La méthode de la production brute, pourtant reconnue dès 1927 parfaitement inutilisable, reste de règle. A cette source d'erreurs grossières il faut ajouter les exagérations et truquages si souvent dénoncés par la presse soviétique, qui déforment les chiffres de production aux diverses étapes de leur cheminement, depuis l'entreprise jusqu'à la Direction générale de la Statistique. Dans la phase actuelle d' « édification du communisme », il faut au personnel dirigeant de l'entreprise une âme bien trempée et un grand dévouement au bien public pour résister à la tentation d'enjoli~er les résultats réellement obtenus, l'accomplissement et surtout le dépassement du plan imposé se traduisant par des primes et récompenses diverses. · Notons· que les _méthodes de statistique des pays satellites sont identiques à celles de l'URSS ; les constatations faites par Stroumiline valent donc également pour ces pays. Force est de conclure que les données éblouissantes sur les progrès économiques de l'URSS et du cc camp socialiste » soilt sujettes à caution et doivent toujours être soumises à un examen critique. La statistique telle que l'entendent les communistes n'est nullement l'expression d'une réalité objective : c'est une arme de propagande pour persuader le monde libre et la population soviétique elle-même· de la défaite inéluctable et .prochaine du «capitalisme». E. DELIMARS. P.-S. - L'article qui précède était à l'imprimerie quand Khrouchtchev, au Comité central du Parti qui a siégé du 10 au 18 janvier, dénonça le truquage des statistiques· dont se rendent coupables de hauts fonctionnaires et dignitaires pour faire croire à la réalisation, voire au dépassement, des plans officiels. Les faits révélés par Khrouchtchev ou d'autres dirigeants prouvent le caractère trompeur des chiffres soviétiques : kolkhozes qui achètent du beurre au prix fort sur le marché pour le céder à bas prix à l'État (par .quels artifices de comptabilité ?) ; moitié de la récolte du maïs en Ukraine volée par les kolkhoziens; 9 millions de têtes de bétail supposées mortes par manque de fourrage (en réalité par suite de la révision des statistiques) ; etc. De tels exemples en disent long sur la crédibilité que méritent les affirmations soviétiques en matière .de · « compétition » avec l'Occident. Ils devraient donner à réfléchir aux économistes occidentaux crédules qui admettent trop facilement la véracité des courbes et coefficients dont se vantent les communistes. Ainsi M. Alec Nove dont l'étude : Communist Economie Strategy. Soviet Growth and Capabilities, publiée par la National Planning Association, de Washington, conclut : << The Soviet economic challenge is real and formidable, and this must be clearly stated. » Les statistiques de l'industrie seront rectifiées tôt ou tard, comme celles de l'agriculture. (li,d.l.~.)

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