STATISTIQUE ET PROPAGANDE par E. Delimars LESSTATISTIQUpEuSbliées en URSS si parcimonieusement sous Staline, et si généreusement depuis la « coexistence pacifique», présentent depuis toujours un casse-tête pour les économistes occidentaux dont les efforts pour y voir clair et en tirer des conclusions objectives n'aboutissent qu'à des migraines. L'instabilité de ces statistiques quant aux procédés de calcul, la variation constante dans le choix des indices, d'un tableau à l'autre 1 , la sincérité douteuse des données de départ fournies par les entreprises dont la direction doit exécuter coûte que coûte les plans imposés d'en haut, rendent les conclusions très aléatoires. D'autre part, la pression incessante du Parti oblige les statisticiens soviétiques à présenter leurs données de façon à faire croire au lecteur superficiel et, donc, à l'opinion publique, que l'URSS réalise sans cesse des progrès économiques impressionnants et dépasse d'année en année les prévisions des plans officiels. La propagan~e bat sans discontinuer la grosse caisse à ce suJet et vante sans vergogne les résultats obtenus par la science, l'industrie, la technique et l'agriculture soviétiques. Cette propagande, inlassablement poursuivie depuis des années, parvient à créer dans le monde libre l'image d'une Union sovi~tique tout~- puissante et de plus en plus prospere, affranchie des entraves qui freinent l'économie des autres pays. Certains succès de la scienct: et de la t~chnique soviétiques dans des domaines restremts, mais particulièrement spectacu!air_esc, omm~ ceux des fusées et des satellites artificiels, sont intensément exploités par Moscou dans ce se~s. Les mensonges flagrants qui émaillaient les discours 1. Un exemple de cette variation dans le c~oix des indi~es est donné dans notre article « Progrès de 1élevage soviétique en 1959 •, in Est et Ouest, Paris, n° 238, 1-15 juin 1960, p. 28. Biblioteca Gino Bianco de Khrouchtchev pendant ses voyages à l' étranger, outre son attitude condescendante devant ce que les Occidentaux pouvaient lui montrer, n'ont fait que renforcer ce mirage. De plus, ladite propagande veut discréditer tous ceux qui résistent en Occident à l' envoûtement moscovite et refusent de croire que les communistes détiennent la formule miraculeuse propre à résoudre toutes les difficultés. Ceux qui essaient de faire comprendre en Occident que fusées et satellites ne sont nullement « un démenti aux inventions sur l'esclavage en régime socialiste » et ne prouvent point que « les pays socialistes ne sauraient tarder à dépasser les États capitalistes les plus évolués pour la production par tête d'habitant », comme l'affirme le publiciste soviétique E. A. Arab-Ogly 2 , tous ces incrédules « à la solde des impérialistes » sont taxés de stupidité et d'infamie par la presse communiste. Enfin la différence d'acception pour les termes les plus usuels, ainsi que les normes de la morale dite marxiste-léniniste créent la confusion dans l'esprit des Occidentaux, facilitant par là la diffusion des mirages soviétiques. Il est d'ailleurs difficile de croire que ces malentendus ne sont pas entretenus de façon délibérée par Moscou, car ils visent immanquablement à grossir les résultats obtenus. Les exemples qui suivent illustreront l'interprétation fallacieuse de quelques termes usuels. CERTAINSÉCONOMISTEOSCCIDENTAUsX'étonnaient, il y a quelques années, de trouver dans 2. Dans son article « Deux exécuteurs testamentaires de John F. Dulles», in Nouvelle Revue Internationale, Paris, n° 10, octobre 1960.
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