Le Contrat Social - anno V - n. 1 - gennaio 1961

42 de réaliser la Bindung et la Ganzheit. Les apparatchiki ont transmué «dialectiquement» l'utopie marxiste. Ils taxent la liberté d'anarchie, l'autogouvernement de la société d'anarcho-syndicalisme, la liberté de la création artistique de propension antisociale, le besoin de vie privée d'individualisme pernicieux. Quant. à eux, ils sont devenus les guides indispensables, gardiens et tuteurs de la société. Leur mission est donc d'imposer ce qu'on pourrait appeler l'harmonie totalitaire ; de supprimer, en termes de scolastique soviétique, les contradictions du corps social; d'empêcher la coagulation de tout groupe qui menacerait l'emprise totale du Parti. Aucune volonté spontanée ne doit exister en dehors de l'élite dirigeante. «La spontanéité ( stikhiinost), a déclaré Khrouchtchev au Comité central en 1958, voilà l'ennemi mortel 10 • » Les forces divergentes qu'engendre cette · spontanéité se trouvent résumées dans l'extrait suivant, tiré d'une des plus importantes discussions théoriques sur la «transformation communiste ». Le but du Parti est ... ...l'unité de la classe ouvrière et non sa fragmentation; le resserrement de l'alliance entre le prolétariat et le paysannat, non la discorde entre deux classes qui ne sont nullement antagonistes ; le renforcement de la cohésion dans les rangs du parti marxiste-léniniste, non l'esprit de faction et le vagabondage idéologique ; une économie unifiée, planifiée, fondée sur la propriété publique socialiste, non la fragmentation économique anarcho-syndicaliste ; l'unité idéologique, politique et morale du peuple, non sa dispersion; l'union des peuples de différentes nationalités, non les différences nationales et le nationalisme ; le renforcement d'un pouvoir gouvernemental socialiste unique, non le séparatisme provincial 11 ••• Et Khrouchtchev s'exprime ainsi : «Comme des abeilles vaquant à leur labeur de l'aube au crépuscule, édifiant une ruche nouvelle et l'approvisionnant en miel, notre peuple remplit ses obligations et ses fonctions dans la société» (Pravda, 18 novembre 1959). Configuration de l'avenir EXAMINONcSertains des caractères spécifiques de cette ruche sociale. L'élite dirigeante. - Le Parti, à l'origine le démiurge de la société soviétique, en deviendra l'animateur perpétuel. Certes, certaines fonctions de gouvernement seront dévolues à des «organes publics » et «l'État dépérira ». Mais le rôle du Parti ne fera que s'accroître, car... .. . qui, en dehors de lui, est capable d'unir et de coordonner les multiples activités du système ramifié des organisations publiques ? Le Parti est la forme suprême de ces organisations [lesquelles on le sait, ne 10. Compte rendu sténographique, Moscou 1958, p. 452. 11. B. Ukraintsev : « Voprossy dialektiki piériérastanüa sotsialisma v kommounizm •, in Kommouni1t, n° 13, 1960, p. 72. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE dépérissent jamais], lui seul peut et doit donner les directives politiques correctes. A la différence des autres organisations, le Parti n'est rattaché à aucun intérêt professionnel, administratif ou local. Le Parti voit plus loin. Il possède l'expérience politique 12 • Le Parti gouvernera toutefois sans user de la contrainte. Les praticiens de la violence rempliront le rôle de rois-philosophes, leur mission essentielle sera de «conquérir les âmes humaines 13 », de «convertir la vérité du marxismeléninisme en conviction intérieure chez tous sans exception» jusqu'à servir de guide à «chaque Soviétique». «Ce qui a été confirmé par l'histoire universelle doit trouver sa confirmation dans l'âme individuelle 14 • » L'éthique totalitaire s'intériorisera, fera partie intégrante de l'équipement psychique de l'individu. Le travail idéologique sera la tâche fondamentale du Parti, gardien de l'intégrité de l'esprit des citoyens, empêchant ainsi leur contamination par des idéologies étrangères et les mettant à l'abri d'un vide mental apolitique non moins dangereux. Khrouchtchev, fasciné par la notion de «lavage du cerveau», a exhorté les écrivains soviétiques « à laver les cerveaux des gens avec vos œuvres, et non à encombrer leurs esprits » (Pravda, 23 mai 1959). La liberté. - D'une manière significative, ce mot apparaît rarement dans les longues analyses traitant de la cc transition au communisme ». Mais il est facile de deviner, d'après les textes officiels, la nature et la portée de la liberté dans l'ordre à venir. L'obéissance au Parti deviendra une «nécessité organique» de l'homme (Kommounist, n° 17, 1959, p. 20), sa seconde nature pour ainsi dire. Tout désir d'émancipation sera considéré comme une révolte contre l'idéal du collectivisme, l'expression d'un individualisme pernicieux menant à l' «anarchie». Mais de telles tendances seront aussi rares que peu naturelles et relèveront de la psycho-pathologie. Comme l'a dit Khrouchtchev dans l'intervention déjà citée : Y aura-t-il des criminels dans la société communiste ? En tant que communiste, je ne puis affirmer qu'il n'y en aura pas. Un crime est une transgression aux règles de conduite généralement reconnues et un désordre mental en est fréquemment la cause. Y aura-t-il des maladies, des désordres mentaux dans la société communiste ? Peut-être. S'il en est ainsi, ces gens à l'esprit dérangé pourront bien être capables d'actions délictueuses. Autrement dit, une déviation des normes totalitaires sera traitée comme une forme d'aliénation mentale . . 12. V. Ivanov, V. Pcheline, M. Sakov : « Vozrastanié roll partii v stroitiélstvié kommounizma », in Kommounist, n° 17, 1959, pp. 15-16. 13. L. Ilitchev : « Voprossy kommounisticheskovo vospitania trouçliachtchikhsia », in Kommounist, n° 14, 1959, p. 48. 14. S. Yourovitski : « Materialnyé i moralnyé stimouly proizvodstva •, in Kommouni1t, n° 12, 1960, p. 33.

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