24 pour la découvrir. La cnnque feuerbachienne du christianisme a toujours paru à Marx aussi nécessaire qu'insuffisante. Tout porte à croire qu'il est demeuré fidèle au principe selon lequel l'humanité doit récupérer les attributs divins qu'elle a projetés, en dehors d'elle, dans un être fantastique. Ainsi le mystère du christianisme - celui de la religion,-c'est l'identité de l'humanité et de la divinité. Mais Feuerbach retient du christianisme une certaine conception morale de l'amour ou charité, tandis que Marx, dès un poème de jeunesse, affirme sa « haine pour tous les dieux », faisant ainsi prédominer une attitude de combat qu'il n'entend pas limiter au seul plan théologique. Il y a certainement des affinités entre le nouveau christianisme de Saint-Simon, son interprétation par ses disciples, la religion de l'humanité selon Feuerbach et ce que l'ex-saint-simonien Auguste Comte désignait par les mêmes termes. Ces affinités tiennent à des similitudes de préoccupation et à des filiations idéologiques, mais laissent subsister d'importantes différences. Dans Le Nouveau Christianisme, qui réduit en fait la religion à la morale, et même à la morale sociale, Saint-Simon demeure déiste à la façon du XVIIIe siècle. Il entend dépasser le catholicisme et le protestantisme, mais ne se déclare pas pour autant antichrétien. Nulle. part, il ne postule comme Feuerbach l'identité de Dieu et de l'homme. Comte remplace effectivement l'Être suprême par l'humanité, mais il ne dit ~as qu'on doive attribuer au nouveau « Grand ~tre » les attributs de l'ancien; il maintient constamment Biblioteca Gino Bianco ,,__ LE CONTRAT SOCIAL le sage relativisme qui caractérise l'esprit positif par opposition à celui de la théologie et de la métaphysique. L'humeur hégélienne, qui porte toujours vers l'absolu, donne un autre tour aux spéculations de Feuerbach et du jeune Marx. Il est sans doute instructif de constater que, tandis que les religions saint-simonienne et positiviste ne sont plus que des curiosités historiques, le marxisme, qui ne voulait avoir initialement aucun caractère religieux, a pu donner naissance à une véritable religion d'État au prosélytisme universel. QUELLE IMPRESSION d'ensemble dégager de cette confrontation ? Il nous semble que le marxisme demeure, à notre époque, une force idéologiquement agissante, indépendamment des aspects scientifiques de la doctrine, alors que le saint-simonisme fournit dans bien des cas, par ses concepts fondamentaux, un instrument plus. efficace pour l'analyse des réalités contemporaines. Le grand utopiste est un moderne, il est proche de nos problèmes. Par les objections qu'elles soulèvent, les parties troubles de sa doctrine ellesmêmes, comme celle qui résulte de l'évidente fusion du militarisme et de l'industrialisme, demeurent au cœur de nos inquiétudes. Et SaintSimon continue à dominer de sa stature, non seulement l'horizon politique et social du xixe siècle, mais encore le nôtre. AIMÉ PATRI. , •
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