Le Contrat Social - anno V - n. 1 - gennaio 1961

A. PATRI cateurs, surtout lorsque ceux-ci, de planificateurs privés, aspirent à devenir des planificateurs publics ? (Si les saint-simoniens, rentrés dans le siècle, se sont contentés du rôle de planificateurs privés, c'est parce que faute de grives...) Un autre nom de l'utopie ne serait-il pas la quadrature du cercle ? Survient alors, pour prêter mainforte à Engels, la dialectique, le collaborateur de Marx ayant toujours cru qu'au fond la philosophie hégélienne signifie qu'un cercle carré ne doit pas faire peur à un brave. Reste une interprétation moins «utopique ». Saint-Simon aura voulu suggérer, sans s'avancer dans l'absolu, que plus il y aura d'administration des choses, moins il y aura de gouvernement des hommes. Sous cette forme, la validité de la for- · mule est loin d'être évidente. Si par «gouvernement » on entend l'exercice de la violence guerrière à laquelle on oppose la production, c'est là un sens détourné, éloigné de l'usage courant. Il est bien connu en outre que tout conquérant, la guerre terminée, s'est trouvé la tâche d'administrer. Or qu'est-ce qu' «administrer» ? A coup sûr «réglementer». 11 est évident qu'au maximum de réglementation correspond le minimum de liberté. C'est la raison pour laquelle le libéral John Stuart Mill considérait l'avenir avec inquiétude. «Libéralisme » politique et économique et «libertarisme anarchiste» ne se confondent pas : le libertaire anarchiste veut se passer complètement d'État, tandis que le libéral se contente de le souhaiter réduit à sa plus simple expression. Si l'on ne parvient pas à concilier autoritarisme étatique dans l'ordre politique et économique avec libéralisme, à plus forte raison _la conciliation paraîtra-t-elle difficile lorsqu'il s'agira du même autoritarisme et de l'anarchisme libertaire. Un théoricien, surtout armé de la dialectique, peut tout concilier, mais un praticien ne se tire pas aussi aisément d'affaire. Finalement, la méditation de la formule ramène à un problème éternel : celui de l'ordre et de la liberté. Mais ce serait outrager la mémoire de Saint-Simon, et même celle d'Engels, que de faire remonter jusqu'à eux la responsabilité de l'arbitraire et du désordre staliniens. L'industrialisme du père putatif des plans quinquennaux n'a pas connu d'autre méthode que celle du militarisme. Concepts résiduels D'AUTRES ASPECTS des deux doctrines demandent à être confrontés, sans que la confrontation appelle les mêmes développements. a. Age critique et période révolutionna,ire. - On sait que la distinction retenue par Comte des périodes «organiques» (par ex. le Moyen Age du X111e siècle) et « critiques » (le xv111e siècle français) est d'origine saint-simonienne. Saintsimoniens et positivistes escomptent l'avènement · Biblioteca Gino Bianco 23 d'une nouvelle période organique qu'ils espèrent définitive. Le concept de « période révolutionnaire.. », ou plus généralement de révolution, chez Marx et Engels a-t-il des affinités avec la notion d' « âge critique ? » Assurément, celles-ci sont faibles, puisque chez les auteurs du Manifeste c'est l'opposition entre les deux sortes de périodes qui disparaît. Toute l'histoire étant l'histoire de la lutte des classes, on peut dire que la révolution est « permanente », bien qu'un espoir de stabilité soit relégué à la fin de l'histoire, après l'avènement de la société sans classes dont il n'est pas dit qu'elle recommencera le cycle. Critiques de l' « âge critique », Saint-Simon et Comte (ce dernier surtout) empruntent plusieurs éléments de leur critique à la critique « réactionnaire ». Il est de fait que Marx et Engels s'inspirent aussi parfois du « socialisme féodal » pour critiquer la société bourgeoise, mais ils le font de manière plus voilée. b. Européanisme et internationalisme. - SaintSimon et Comte ont été tous deux les apôtres d'une fédération européenne. On est donc tenté d'opposer cette attitude aux «Internationales » ouvrières ou imbues d'esprit marxiste. Mais il faut prendre garde. Marx a toujours implicitement admis que ses schémas d'évolution historique ne lui étaient directement inspirés que par le développement de l'humanité occidentale. Saint-Simon et Comte l'ont reconnu explicitement pour les leurs. Le postulat commun, c'est que le reste de l'humanité suivra, l'Europe étant toujours considérée comme le continent pilote, ce qui suppose que le pays le plus développé offre toujours au moins développé une image de son avenir. Mais, pas plus que Saint-Simon et Comte, Marx et Engels n'ont prêché la révolte des pays sous-développés contre ceux qui sont industriellement avancés. Ni le matérialisme historique, qui admet le primat du développement (des forces productives), ni l'idéalisme techniciste ou scientiste du saint-simonisme et du comtisme n'étaient compatibles avec une telle attitude. La prédication de la révolte aux sous-développés est une des originalités du bolchévisme par rapport au marxisme classique. c. Nouveau christianisme èt humanisme athée. - Le saint-simonisme, suivant sans doute avec lourdeur une suggestion du maître dans son dernier écrit posthume, Le Nouveau Christianisme, a prêché une nouvelle religion. Il en fut de même du positivisme de la ·dernière époque avec la religion dite de l'humanité, copiée dans son organisation extérieure sur le catholicisme (ce qu'avaient déjà entrepris les derniers saintsimoniens). Mais le marxisme des origines ne se donne nullement pour une nouvelle prédication religieuse. Il existe cependant une théologie, ou une parathéologie du marxisme, plus ou moins réservée aux initiés. Il suffit de remonter à Feuerbach

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