Le Contrat Social - anno V - n. 1 - gennaio 1961

' t A. PATRI . . , . camsme et « sovtettsme », compte tenu aussi des différences entre l'ancien positivisme de Comte et lt: néo-positivisme contemporain, entre le marxisme classique et le bolchévisme. Mais c'est la loi saint-simonienne du développement temporel que nous devons considérer en cette section. Ni Marx ni Engels ne l'ont jamais a~~quée de front? préférant opérer par préténtton. Engels a vivement combattu Saint-Simon en l'appelant Dühring ... C'est en effet dans la partie réservée à la théorie de la violence de l'ouvrage consacré à l'exécution de l'infortuné professeur allemand qu'éclate la divergence rétrospective entre marxisme et saint-simonisme sur ce point important. Engels reproche à Dühring d'avoir opposé la guerre et l'industrie, mais Saint-Simon s'était permis de le faire avant D~g, ce q:1-ele collaboratet1; de Marx préfère oublier, peut-etre dans un esprit analogue à celui du re~oulement. Si la thèse de Dühring (que l'on a touJours coutume de ·maltraiter sans le lire directement) peut passer pour une déformation assez simpliste de la théorie saint-simonienne, e_llese rapproche davantage de la thèse hégéhenne sur les origines de la domination et de la servitude (Maître et Serviteur), également incompatible avec le matérialisme historique. On conçoi! qu'E~gels, s~ trouvant dans la pénible oblig~tton philosophique de s'en prendre à SaintSimon ou à Hegel, ou aux deux à la fois, ait préféré fondre sur Dühring qui lui offrait une trop belle occasion de purger d'un doute sa conscience philosophique. ~ue _signifiaitau juste le «militarisme» pour Saint-Simon ? La fonction du militaire est de · faire la guerre ; la guerre, par son résultat, autorise la conquête; la conquête permet l'enrichissement parasitaire par l'asservissement des « producteurs». N'étant à aucun degré producteur, mais destructeur par métier, le « militaire » est le ~ara~ite par excellence. C'est lui qui fonde l'État, st 1 on entend par là le , «gouvernement des h~mmes ». Grâce à lui, l'Etat une fois fondé, vivent tous les parasites dénoncés dans la Parabole. De quoi vivent-ils ? De ce que produisent les autres. Le parasitisme aboutit toujours à l'étiolement de l'hôte. Non seulen1ent le milita~ risme c'est la destruction, puis le pillage, mais a_ussiun frein à la production intellectuelle, artistique, industrielle (au sens étroit du mot). Au sens de la vénérable alliance du sabre et du goupillon, ou encore des chevaliers et des brahmanes, le militaire est aussi le soutien temporel du « clerc »des·religions établies qui freinent la production intellectuelle, scientifique et artistique, indirectement la production matérielle. Le «militarisme», dans toute l'acception du terme, Sui est vaste, voilà donc l'ennemi... Quant à 1 «industrie», terme dont l'acception pour SaintSimon n'est pas moins vaste, puisqu'elle peut englober toute production de biens, matériels, intellectuels et spirituels, dus au génie humain, voilà l'amie. Biblioteca Gino Bianco 21 Rien que de sympathi.que apparemment dans cette inimitié pour la fonction guerrière et cette amitié pour la fonction productrice. On y retrouve le meilleur esprit de !'Encyclopédie du xv111e siècle. Mais le hic, pour un marxiste conséquent, procède du fait que Saint-Simon n'a pas spécialement dit que l'ennemi c'était « le patron», à moins qu'on n'entende ce terme dans un sens très antique. Il y a, d'autre part, dans Saint-Simon, lorsqu'il oppose l'industrie à la guerre, libreéchangisme dans certains textes, pacifisme, internationalisme (au moins sous la forme d' « européanisme») comme chez les cc libéraux» de l'époque. Avec ces libéraux, un marxiste - Marx luimême - accepte parfois de faire un bout de che- :giin, mais il ne laisse pas contaminer la doctrine. Enonçant ses aspirations sous forme de loi historiq_ue:S. ai3:1t-Si_moPn:êt~t le flanc à une critique qui s 1nsp1rera1tdu reahsme. Engels, avec la prétériti~n signalée ci-dessus, n'y a pas manqué. Il est aisé de soutenir aujourd'hui qu'il s'est révélé bon prophète : thèse - la guerre, antithèse - l'industrie, synthèse (imprévue par le maître) - la. guerre industrielle. Mais ce n'est pas tout à fait ce que peut vouloir soutenir un marxiste, même engelsien, qui tient à conserver de !'Encyclopédie au moins l'optimisme progressiste. L'argumentation anti-saint-simonienne d'Engels (qui poussait la naïveté prophétique jusqu'à croire que dans la guerre industrielle les prolétaires se révolteraient automatiquement), porte sur l'interprétation du passé humain. Se fondant sur le matérialisme historique qui suppose que le . p~imat de l'a~tivité .productrice a toujours existe, Engels fiut valoir qu'à aucun moment l'humanité n'a vécu simplement de la guerre. Le militaire a toujours supposé le producteur. SaintSimon dirait pour sa défense qu'il n'a jamais soutenu le contraire : le militaire ayant séculairement asservi le producteur, il faudrait faire cesser cette oppression ; la loi immanente du développement de l'humanité est favorable à ce vœu. Mais il serait contraire au matérialisme historique, tel que le conçoivent Marx et Engels J que les classes anciennement dirigeantes fussent issues de la guerre : la division de la société selon 1~. c_onceptionI?arxi:nne tire ,son origine de la division du travail social. C'est a cet endroit précis qu'apparaît .la divergence des hypothèses. Cependant on ne saurait dire que sur le terrain des faits historiques la cause soit aussi clairement entendue que le supposent les admirateurs de l' Anti-Dühring. A l'appui de son hypothèse? Engels ~ beau jeu de_faire valoir la progression parallele des techniques de production ~t ~e destruction. Mais en matérialiste conséquent, t1 tient compte beaucoup plus du matériel que du moral des armées. Examinant l'exemple de Robinson et Vendredi imprudemment avancé par Dühring, il observe que de son temps les Européens font la conquête des sauvages par l'épée. Oublierait-il que les Barbares ont submergé l'Empire romain, que

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