Le Contrat Social - anno V - n. 1 - gennaio 1961

A. PATRl ' « exploiteurs » que ceux qui, au sens marxiste, vivent d'un prélèvement indirect sur la plusvalue, sans opérer de prélèvement direct parce qu'ils ne participent pas efficacement à la production : dignitaires, militaires, clercs, bureaucrates, propriétaires oisifs, c'est-à-dire précisément les «non-exploitants » par opposition aux cultivateurs. Enfin la notion marxiste du «producteur », qui est celle de l' « ouvrier productif», est à la fois plus large et plus restreinte que la notion saint-simonienne : la productivité saintsimonienne est une productivité de valeurs d'usage, la productivité marxienne, une productivité de valeurs d'échange. Comme on peut le · voir dans l' Histoire des doctrines économiques, l'ouvrier «productif», selon Marx, est un producteur de plus-value (éventuellement, un maître d'école s'il travaille comme salarié pour le compte d'une entreprise privée). C'est donc la notion technique de la «plusvalue », dont on fait honneur à Marx, qui sépare le concept marxiste du concept saint-simonien. Cependant, aux fins de la propagande, la «plusvalue » marxiste signifie que les riches sont riches parce que les pauvres sont pauvres, c'est-à-dire que les pauvres sont «volés » par les riches. Sous cette forme, le concept figure déjà chez SaintSimon, et même dans la Parabole qui souligne ironiquement que... ...la nation a admis pour principe fondamental que les pauvres devaient être généreux à l'égard des riches et qu'en conséquence les moins aisés se privent journellement d'une partie de leur nécessaire pour augmenter le superflu des gros propriétaires. Mais ce qui appartient en propre à Marx est le concept technique, qu'il faut distinguer de celui qu'utilise la propagande. Le concept technique marxien n'autorise même plus la notion de «vol », simple réminiscence de la formule de Proudhon : « La propriété, c'est le vol», lorsqu'il apparaît sous la plume de l'auteur du Capital. En effet, Marx se propose de montrer que le salarié est en un sens payé au juste prix puisqu'il reçoit normalement l'équivalent en valeur de sa force de travail; il s'ensuit que, selon la loi des échanges qui coïncide avec celle de la valeur, il n'y a pas «vol». Sans être volé, le travailleur salarié est cependant «exploité » parce que la valeur de son produit est supérieure à celle qui est nécessaire à son entretien et à son remplacement. En dernière analyse, selon Marx, comme nous l'avons noté dans une précédente étude, la plus-value est simplement la forme prise dans l'économie marchande par le surproduit normal des sociétés non régressives et non stagnantes. Or ce surproduit est bien la condition du « progrès » au sens saint-simonien. De là découle que l' « exploitation », au sens admis par Marx, est du point de vue saintsimonien la norme efficace de la civilisation plutôt qu'un objet de scandale, iblioteca Gino Bianco 19 Le concept technique marxien, non seulement n'autorise pas à parler de vol, mais ne permet même pas de référence au parasitisme, du moins lorsqu'il s'agit du prélèvement direct de la plusvalue. Lorsque Marx dénonce en propres termes le «parasitisme », le contexte montre presque invariablement que c'est surtout au parasitisme bureaucratique (bureaucratisme étatique) qu'il songe, en quoi il est d'accord avec la tradition saint-simonienne. Mais ce n'est pas le sens de la théorie marxienne de l'exploitation, qui se rapporte au prélèvement direct du surproduit industriel (ou agricole) par l'entrepreneur privé. Le capitaliste au sens marxien est-il un parasite ? Si l'on retient seulement la partie scientifique des analyses du Capital, il est impossible de le prouver. Paupérisme et prolétariat LE CONCEPT de l' «extinction du paupérisme », au sens de Badinguet, est vraisemblablement de provenance saint-simonienne (on connaît le rôle des saint-simoniens sous le Second Empire). En effet le maître écrivait dans Le Nouveau Christianisme (1825), son dernier ouvrage : Toute la société doit travailler à l'amélioration morale et physique de la classe la plus pauvre, la société doit s'organiser de la manière la plus convenable pour lui faire atteindre ce grand but . La classe ici désignée comme «la plus pauvre » est caractérisée un peu plus loin comme «la plus nombreuse » ; d'où la formule synthétique : «la classe la plus pauvre et la plus nombreuse », qui sera celle des saint-simoniens. Que ces formules soient extraites d'un pamphlet dialogué qui prétend réhabiliter l'esprit du premier christianisme contre les déformations que lui ont fait subir protestants aussi bien que catholiques, cela montre qu'il ne faut pas considérer Saint-Simon comme un expert en histoire des religions. Il a commis le contresens classique qui conduit à interpréter le concept du « pauvre » selon l'Évangile (et aussi le judaïsme traditionnel) au sens matériel plutôt que spirituel. Mais on ne querellera pas le grand «utopiste » à ce sujet. On remarquera en outre que le concept complémentaire de la «classe la plus nombreuse» n'est pas d'origine judéo-chrétienne, mais grécoromaine : il s'agit., en effet, étymologiquement., du «prolétariat», terme d'origine latine qui désigne la dernière classe dans la hiérarchie établie aux premiers temps de Rome comme à Athènes en vue de définir les obligations fiscales et militaires. Le «prolétariat»., débarrassé d'obligations fiscales et militaires en raison de l'humilité de sa condition., la plus basse entre les hommes libres, est au sens du mot latin proies la classe dont la principale fonction dans l'État est de faire des

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