Le Contrat Social - anno IV - n. 6 - novembre 1960

380 dont marxistes et non-marxistes usent en général comme d'un véritable fourre-tout. Enfin, la «véritable classe supérieure » comprend aussi bien l'administrateur de sociétés que le grand médecin, le grand avocat, le grand architecte, l'archevêque, etc. La cassure que l'auteur maintient entre la classe de la réussite relative et la classe semi-supérieure paraît justifiée. Après cette classification, qui n'est certainement suggérée par aucun parti pris doctrinal, V. Packard étudie les signes extérieurs du rang et les contraintes qu'il impose avec un luxe de détails pittoresques. Le lecteur éventuel peut être assuré qu'il ne s'ennuiera pas. Aux approches de la conclusion, le chapitre où l'auteur se demande si la hiérarchie sociale est souhaitable retient à nouveau notre intérêt par l'intervention sous-jacente du concept jusqu'à présent mythique de la « société sans classes ». En Occident, aucun homme de sens n'ignore que la société sans classes ne se trouve pas en URSS. De l'autre côté du rideau de fer, nous savons que certains, par un curieux effet à rebours de la propagande, supposent qu'elle est réaliséeaux U.S.A.; ils pourraient connaître une déception, selon ce que suggère Vance Packard. Examinant le problème en général, l'auteur suggère quatre arguments en faveur de la hiérarchie sociale (l'exécution des besognes difficiles est facilitée ; au plus bas de l'échelle, tous n'aspirent pas à monter; chacun restant à sa place, la vie est plus calme; la culture ·d'une société hiérarchisée est plus riche que celle d'une société nivelée) et un seul contre (la hiérarchie favorise l'envie et les sentiments bas) qu'il trouve encore à discuter : c'est chez celui qui descend plutôt que chez celui qui s'efforce de monter que l'on trouve ces sentiments. Mais il note aussi que ces arguments n'affleurent guère à la conscience puisque le « credo américain» reste celui de l'égalité, au moins sous la forme de l'égalité des chances. Ainsi l'idéologie n'est-elle pas tout à fait en accord avec les réalités, y compris les réalités humaines du comportement, conclusion qui irait apparemment dans un sens «marxiste», mais avec l'effet de combattre ce qu'il pourrait y avoir de commun à l'idéologie soviétique et à l'idéologie américaine, car enfin, théoriquement, l'Américain ne professe pas moins aspirer à la « société sans classes» que le Soviétique. Dans l'ordre psychologique, tout cela est très suggestif. Dans l'ordre des faits sociaux proprement dits - (abstraction faite de l'idéologie), ce que l'auteur note, en comparant l'Amérique d'hier et èelle d'aujourd'hui, c'est la tendance vers une « société plus statique » malgré d'importants facteurs, encore dynamiques, qui la contrecarrent. Le grand mérite de cet ouvrage est sa clarté et sa bonhomie. Il démontre ainsi qu'on peut parler aimablement de choses séri~uses. A. P.. Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Un résumé objectif JOSEPHLAJUGIE: Les Doctrines économiques. · Paris 1958 (5e éd.), P.U.F., coll. « Que sais-je ? », 136 pp. . QUECETAPERÇUconnaisse,· depuis 1949, une cinquième édition, prouve qu'il répond à un besoin : nombreux sont ceux qui désirent se faire rapidement une. idée succincte d'une science jugée rébarbative. Il est difficile de faire tenir en 136 pages l'essentiel d'une matière pratiquement illimitée : on ne peut marquer les filiations, les multiples points de contact des différentes doctrines, et il faut se résoudre à une simple énumération brièvement commentée. La place accordée à chaque doctrine dépend entièrement dè l'importance que lui attribue l'auteur. · M. Lajugie s'est bien acquitté de cette tâche en faisant preuve d'objectivité. Après avoir passé en revue le nationalisme économique, l'interventionnisme social, le christianisme social et le socialisme, il en suit les prolongements jusqu'à notre époque : les écoles socialistes, le néo-interventionnisme, le néo-corporatisme, les écoles sociales chrétiennes, le néo-libéralisme et le néocapitalisme. Deux appendices, l'un consacré à l'historisme et au marginalisme, l'autre aux novateurs contemporains (où une place importante est réservée à Keynes), complètent cet aperçu. Certains auraient sans doute choisi une présentation et une articulation différentes. Mais M. Lajugie était bien libre de condenser à sa manière un sujet très ingrat, et l'on serait mal -- venu de lui reprocher telle ou telle omission. Il faut cependant signaler quelques erreurs et lacunes ; il sera facile d'y remédier à l'occasion d'une prochaine édition. M. Lajugie cite (p. 78), parmi les doctrinaires du bolchévisme, Lénine, Varga, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht. Pourquoi le sous-ordre Varga, qui n'a jamais rien produit· d'original, et pas Boukharine et Préobrajenski, théoriciens authentiques ? Rosa Luxembourg était bien théoricienne, mais non point bolchévique, et Liebknecht n'était ni l'un] ni !'_autre.P. 82, l'auteur parle, à propos de la scis-. s1on de Tours, de «la IIe Internationale d'Amsterdam», qui n'a jamais_existé : la IIe Internationale (socialiste) était une chose, l'Internationale syndicale dite d'Amsterdam en était une autre. S'agissant (p. 87) des socialistes irréductiblement opposés au totalitarisme communiste, il mentionne, avec Léon Blum, « de nombreux socialistes belges : Vandervelde, de Brouckère ». Or, il n'y avait pas que les Belges : toute l'élite des grands théoriciens, de Plékhanov à Rosa Luxembourg, de Kautsky à Hilferding, de Renner à Bauer, n'a cessé de combattre le bolchévisme. Il faut en tout cas savoir gré à l'auteur de ne pas être dupe de la légende si répandue aujourd'hu!, selon ·1aquelle le bolchévisme serait l'héritier légitime du marxisme. Il fait figurer Trotski • f

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