Le Contrat Social - anno IV - n. 6 - novembre 1960

QUELQUES LIVRES mais participe de l'autobiographie, de la « kremlinologie ~>, et enfin d'':lle analyse de la dynamique du Parti. Il a en meme temps beaucoup à dire sur la nouvelle classe et ses caractéristiques. M. Avtorkhanov comme M. Armstrong souligne que le Parti est dominé par les Russes. Il fait ressortir les injustices que subissent les populations minoritaires, telles que l'emploi obligatoire de l'alphabet cyrillique pour les langues de l'Asie centrale. Mais M. Avtorkhanov s'inscrit en faux contre l'assertion selon laquelle l'élite est essentiellement de basse extraction. Dès 1934, rappellet-il, le Comité central a cessé de publier des . données sur l'origine sociale des membres du '. Parti. Cinq ans plus tard, on abandonnera sans bruit les règlements qui faisaient obstacle au recrutement des intellectuels et favorisaient celui des ouvriers. (On sait que depuis peu il n'en va plus de même.) C'est ainsi que, selon M. Avtorkhanov, les postes de commande sont occupés par une élite de directeurs d'usine, d'ingénieurs, de professeurs, de spécialistes de la propagande, d'agronomes, etc. Alors que ces constatations ne sont nullement particulières à l'auteur, les déductions confuses qu'il en tire et ses conclusions fondées sur des on-dit sont certainement originales. Étant donné que les apparatchiki sont d'une « extraction sociale différente » du prolétariat, ils se doivent de lui prouver leur « loyauté » par une dévotion fanatique. C'est ainsi que s'expliqueraient les carrières de Vychinski, Boulganine et Malenkov. L'auteur soutient en outre que le Parti est ravi de ces tares, que celles-ci concernent l'origine de classe ou qu'elles soient d'une autre -nature. Il cite à cet égard l'étrange évasion de Mikoïan. Capturé à Bakou en 1919 avec d'autres activistes du soviet local par les forces d'occupation britanniques, il échappa à l'exécution alors que la plupart de ses compagnons étaient fusillés : selon M. Avtorkhanov, il aurait sauvé sa peau en acceptant de travailler pour l'intelligence Service. Staline aurait eu sur Mikoïan un dossier qu'il gardait en réserve. Il est permis de se demander comment un fonctionnaire du Comité central du rang d' A. Avtorkhanov a pu avoir accès à ce genre de renseignements. _ L'auteur pêche également par excès de généralisation lorsqu'il affirme que l'élite au pouvoir se compose de médiocres, d'hommes dépourvus de talent et d'imagination. Mais il a certainement raison lorsqu'il déclare que les intellectuels doués d'esprit créateur furent expulsés du Parti lors des purges dirigées contre les trotskistes et les boukhariniens. Les discours des vieux bolchéviks, Zinoviev ou Kamenev par exemple, étaient des créations originales, reflets d'une personnalité, alors que les proses dogmatiques d'un Malenkov, d'un Molotov ou d'un Andréïev ne peuvent être identifiées que par la signature. L'arrivisme et le cynisme vont de pair avec la médiocrité. L'auteur affirme, comme d'autres 373 l'ont déjà fait, que la conviction idéologique est un danger pour le Parti ; elle risque de battre en brèche l'exigence suprême qui est l'obéissance servile. Il soutient en outre que les grandes hérésies, celle de Boukharine ou celle de Skrypnik, traduisaient les désirs confus de la masse et qu'elles constituaient par là une menace latente pour le régime. La suspicion, la duplicité et la trahison faisaient partie de l'éthique du stalinisme, de même que la règle d'or : « Ne dis pas ce que tu penses et ne pense pas ce que tu dis. » M. Avtorkhanov conclut qu'à la longue ces hommes amoraux et doués deminces talents ne pourront diriger la Russie et défier le monde que grâce à l'emploi systématique de la terreur sans laquelle l'appareil lui-même viendrait à craquer. Il affirme par conséquent que la « légalité socialiste » de Khrouchtchev, soucieuse . de l'assentiment des masses, n'est qu'une transition qui mène soit à la dissolution du régime, soit, plus probablement, à un retour à la terreur stalinienne. Molotov s'est opposé au déboulonnage de Staline et, d'un point de vue stratégique, il n'avait pas tort : sans les purges incessantes, sans l'état de siège permanent, le système ne peut durer. LE LIVREde M. Avtorkhanov est peut-être vivant et intéressant, mais il n'est pas très utile. Son interprétation de la nouvelle classe frise la démonologie : ce qu'il dépeint c'est, assez curieusement, une sorte de marxisme-léninisme-stalinisme à rebours et schématisé à l'extrême : les stalinistes y remplacent les capitalistes comme source de tous les maux. Par contraste, l'ouvrage du professeur Armstrong, consciencieux, fruit de patientes recherches, tout en n'offrant rien de très neuf, trace de la nouvelle classe soviétique une image beaucoup plus précise que celle que nous avions jusqu'à présent. On notera également que le portrait-robot du dirigeant, composé à l'aide de données statistiques, correspond de façon frappante au signalement de l'apparatchik Nikita Khrouchtchev, fils de ses œuvres, d'origine grand-russienne, de souche paysanne, « formé par le Parti». R. V. BURKS. {Traduit de l'anglais) Le vrai système de M..de Bonald J.-J. OECHSLIN: Le Mouvement ultra-royaliste sous la Restauration. Son idéologie et son ·action politique (1814-1830). Paris 1960, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 218 pp. LEPRÉSENOTUVRAGqEu,i est vraisemblablement une thèse de droit, apporte sur les ultras une vue d'ensemble dont la bibliographie française était encore dépourvue. Est-ce à dire que l'auteur ait

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