366 que des projets de codes de droit pénal et de procédure pénale pour toute l'Union allaient être publiés lors du xxe Congrès en février 1956. Ils ne le furent cependant pas, car entre-temps la ligne nouvelle tendait à l'extension des pouvoirs des républiques. Dans le domaine juridique, cette extension comprenait la suppression du ministère fédéral de la Justice et le transfert de ses attributions aux ministères républicains (mai 1956), ainsi qu'une certaine limitation des pouvoirs de la Cour suprême fédérale (février 1957), ce qui avait pour effet d'accroître les pouvoirs des cours suprêmes républicaines. L'article 14 de la Constitution était amendé de manière à donner aux républiques fédérées le droit de promulguer leurs propres codes civil et pénal, tout en réservant à la Fédération le droit d'énoncer des principes généraux pour la gouverne des républiques. La préparation de textes qui tiendraient compte des modifications constitutionnelles allait maintenant bon train. En juin 1958, deux projets de loi furent publiés pour discussion dans la presse juridique, avant d'être soumis à la commission législative du Soviet suprême chargée de la rédaction définitive : il s'agissait des « Principes de base de la législation pénale en URSS et dans les républiques fédérées » et des « Bases de procédure pénale en URSS et dans les républiques fédérées». D'autres projets furent sans doute préparés à la même époque, notaip.ment un projet de loi sur les crimes contre l'Etat qui ne figure pas dans l'amendement à la Constitution adopté en février 1957 2 • Les délits politiques les plus graves restaient de la seule compétence de l'Union. Après une discussion assez poussée dans la presse spécialisée, les projets furent repris par la commission législative et le jour de Noël 1958 huit lois furent adoptées par le Soviet suprême. L'analyse qui suit concerne quatre de ces lois : « Bases de législation pénale de l'URSS et des républiques fédérées ~, « Responsabilité pénale pour crimes contre l'Etat », « Bases de législation sur la structure de la Cour fédérale et des cours des républiques fédérées », « Bases de procédure pénale en URSS et dans les républiques fédérées » 3 • A l'exception de la loi sur les crimes contre l'État, cet appareil ne faisait qu'énoncer des principes que les républiques fédérées devaient incorporer à leurs propres codes. Cependant, certaines des plus importantes dispositions de la nouvelle législation fédérale ont été rendues obligatoires pour les républiques, dès avant l'achèvement de leurs nouveaux codes, _par un décret du présidium du Soviet suprême du 14 février 1959. 2. Voir ce texte et d'autres amendements adoptés en même temps in Histoire de la Constitution soviétique, Moscou 1957, pp. 505 sqq. 3. Voir le texte des nouvelles lois in la Légalité socialiste, 1959, n° 1, pp. 99-157. Y figurent également les discours prononcés à cette. occasion devant le Soviet suprême. BibliotecaGino Bianco L'EXPÉRIENCE. COMMUNISTE LES MODIFICATIONS entraînées par les nouvelles lois peuvent être divisées en modifications de fond et en modifications de pro- · cédure, ces dernières étant les plus importantes. Les modifications de fond sont au nombre de · cinq. Premièrement, l'âge minimal de la responsabilité pénale passe de 14 à· 16 ans, sauf pour les crimes très graves pour lesquels l'âge de 12 ans est ramené à 14. Deuxièmement, sauf lorsque la peine de mort est prescrite (c'est-à-dire jusqu'à présent pour trahison, terrorisme et banditisme), la sentence maximale est ramenée de 25 ans d'emprisonnement à 15 ans. Troisièmement, la déchéance des droits civiques et l'expulsion de l'URSS ne font plus partie des peines prévues. Quatrièmement, la nature de .. la complicité, aussi bien pendant les faits qu'avant et après, est définie avec plus de précision qu'auparavant. (Cela sans doute pour réagir contre l'abus de la notion de complicité destinée à impliquer le plus grand nombre possible de « suspects )) et dont Vychinski avait fait un si grand usage pour inspirer la terreur.) Enfin, les crimes politiques graves, couverts jusqu'à présent par l'article 58 du code pénal de la R.S.F.S.R. (rédigé à l'origin~ par Lénine) qui justifiait un arbitraire pratiquement illimité, sont définis avec un peu plus de précision. L'introduction de l'épithète « intentionnelle )) dans la définition de la trahison est des plus importante, car elle écarte désormais les nombreux cas de simple négligence ou délits sans aucun contenu politique qui tombaient jusqu'ici sous le coup de l'article 58. Cependant, à d'autres égards la nouvelle loi est à peine moins sévère que l'ancienne. Ainsi la propagande antisoviétique, qui comprend la mise en circulation d' « inventions calomnieuses )) destinées à affaiblir le pouvoir soviétique, la rédaction ou la détention d'écrits subversifs, peut entraîner une peine de sept ans de prison (dix ans en cas de récidive). (Dans la pratique, cette définition peut s'étendre au possesseur ,d'un exemplaire du Times ou du Figaro par exemple. Un citoyen soviétique qui refuse de rentrer en URSS est considéré comme un traître et encourt la peine capitale. D'autre part, les membres de la famille d'un citoyen qui s'enfuit à l'étranger ne seront plus passibles de poursuites, comme auparavant, s'ils n'avaient pas connaissance des intentions du transfuge. Les modifications dans la procédure témoignent, bien plus gue les modifications de fond, de la dure bataille _livréeau cours de discussions qui durèrent pendant cinq ans. Il est évident que de nombreux légistes, inquiets du mépris dans lequel on tenait la loi, voulaient prévenir le retour de pareilles .pratiques. La difficulté fondamentale qui, depuis . l'origine de l'État sovi,étique, rend pratiquement impossible l'application générale des dispositions légales est la position privilégiée que le Parti · s'est arrogée au-dessus de la loi. La loi et les tribunaux sont, même en théorie, les exécutants de la politique générale, laquelle est déterminée par
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==