Le Contrat Social - anno IV - n. 6 - novembre 1960

Anniversaires Bicentenaire de la naissance de Saint-Simon <1> SAINT-SIMON ET LA « SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE» par Michel Collinet La notion de classe sociale POUR SAINT-SIMONle phénomène religieux caractérise un type de société et la phase où elle se trouve : de sa permanence ou de son éclatement dépend la nature, organique ou critique, de la périod~ historique ~nvisagée. Mais le passage de l'une a l'autre se fait conformément au principe de continuité : il n'y a pas rupture brutale, mais désagrégation et reconstruction simultanées. Parallèlement, les classes sociales évoluent et se transforment. Réelle ou potentielle, leur présence est un facteur positif de l'évolution morale ou religieuse de l'époque, qu'elles en aient ou non une conscience claire. La notion de classe est d'autant plus importante chez Saint-Simon qu'à la suite de Montesquieu et surtout du physiocrate Mercier de la Rivière 2 , il considère que les liens de classe sont plus étroits et plus déterminants que les liens nationaux. Convaincu que la nation n'est qu'un épiphénomène de l'histoire appelé à disparaître avec les « gouvernements militaires » dont elle est le support, il attend que l'avenir réalise la société cosmopolite dont le germe est dans l'Europe occidentale; et, contre les jacobins et les bonapartistes, il en vient à dénoncer « les inspirations du patriotisme féroce et absurde, créées par l'ancien système et soigneusement entretenues par lui » 3 • La nation, comme la métaphysique et les droits de l'homme, est un produit de la I. Cf. Contrat social, septembre 196<>: Saint-Simon et l'évolution historique. 2. Cf. L'Ordre naturel et essentiel des soci4téspolitiques. 3. L' Industrie, XIX, p. 140. Biblioteca Gino Bianco période critique, le témoignage de la désagrégation de l'ordre médiéval commencée avec les républiques italiennes et Luther, poursuivie avec la Révolution française, et dont il pense que le xixe siècle verra l'ultime manifestation. La notion de classe est suffisamment vague - malgré l'importance que lui attribue Marx - pour contenir les réalités sociologiques les plus diverses. Celle de Saint-Simon ne coïncide pas avec l'idée courante qu'elle désigne depuis plus de cent ans. Pour les théoriciens, socialistes ou non, du XIXesiècle, la distinction des classes est due à l'existence de la propriété privée d~s.moy~ns de production : d'une part, la bourgeo1s1eacttve ou oisive, détentrice de la propriété priv~e ; d'autre part, le salariat identifié à un P!O~étariat, synonyme de classe pauvre pour les socialistes - celui-ci exploité par celle-là. C'est donc la propriété qui, chez les socialistes •et surtout chez Marx, suscite la division de la société en d~ux grandes classes antagoniques. On ne trouve rien de pareil chez Saint-Simon. Le critère de la classe ne réside pas dans l'existence ou l'absence d~ la propriété mais dans la manière dont cette de~ère est utilisée' pour améliorer le sort de tous ; il se confond · donc essentiellement avec le concept d'activité productive. Au nom de celui-ci SaintSimon condamne la grande propriété foncière, source d'oisiveté, et le droit naturel qui en e~t le fondement. La propriété doit être le droit positif et sera jugée suivant son utilité 4 • Pour . qu'il en soit ainsi, « il convient donc que le talent 4. « Le droit individuel de propriété ne peut être fondé que sur l'utilité commune etigénérale, (•.•) utilité qui peutvarier selQn.le temps , (L'Industrie., XIX., p. 90),

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