336 Un troisième problème, après avoir semblé ass~z difficile à résoudre, se trouve~maintenant en voie de règlement raisonnable, . ce_Iui. des rapports ~e la démocratie avec le christtarusme, plus particulièrement avec le catholicisme, de toutes les églises chrétiennes la plus imprégnée d'exigences politiques. L'églis_ecatholique~ nourri_une longue et puissante aversion pour la democra?e mo?ern~, laquelle fut essentiellement un prodwt de 1esprit humaniste et de ce qui avait pénétré d'humanisme dans certaines églises chrétiennes. Et elle a été payée de retour par une semblable aversion de la part des démocrates. . Liée par~de multiples raisons historiques et par de nombreux privilèges à l'ancien régime monarcho-nobiliaire, l'Église en a longtemps rêvé la restauration et a lancé l'anathème contre la démocratie sous toutes ses formes, qu'il s'agisse des aspects les plus prudents et modérés du libéralisme ou des thèses les plus radicales du socialisme. Quand elle a commencé à intervenir dans la vie politique démocratique, elle l'a fait avec le propos déclaré de la considérer comme provisoire et de mettre à profit les libertés qu'elle offrait pour la vider de sa substance et la supprimer. Elle a toujours été assez peu nationaliste, soit à cause du caractère universel de sa religion, soit qu'elle flairât dans le nationalisme le relent d'une pseudo-religion. Mais c'est sans hésitation qu'elle a accepté de s'allier à lui chaque fois qu'il s'opposait ouvertement à la démocratie, et elle a accepté volontairement de descendre au rang d'instrumentum regni de n'importe quel gouvernement nationaliste autoritaire pourvu qu'il consentît à s'unir à elle. Toutefois, la totale invraisemblance d'une restauration de l'Ancien Régime, l'amère expérience du nationalisme au pouvoir et la présence du communisme ont contribué à transformer profondément son attitude à l'égard de la démocratie. A l'intérieur du catholicisme se sont répandues les doctrines personnalistes qui tendent à réaffirmer la primauté de l'individu sur les pouvoirs collectifs. Les doctrines corporatives, idéalisation de l'ancien régime économique et social, ont été submergées par les conceptions libérales et socialistes qui l'ont emporté jusque dans les rangs catholiques. Les partis d'inspiration catholique ont désormais accepté les I règles démocratiques comme.des normes à respecter, non plus comme une forteresse où pénétrer à la façon d'un cheval de Troie afin de s'en emparer pour la détruire. Il leur est même arrivé dans certains pays d'être, après la dernière guerre, la force politique la plus en vue à avoir travaillé à la restauration démocratique. La participation du catholicisme à la vie démocratique n'a pas été couronnée partout d'un égal succès, car là où subsistent des régimes autoritaires d'inspiration catholique, l'Église en demeure étroitement solidaire, et dans les pays où les institutions démocratiques sont le moins enracinées il s'élève encore des voix pour exprimer le désir de rétablir un jour en Europe une communauté Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL où l'ÉgliseJ jouirait d'une prépondérance institutionnellement organisée. Ce serait cependant une erreur que de considérer ces manifestations - vestiges d'attitudes dépassées - comme la caractéristique principale de l'orientation actuelle du catholicisme, comme ce serait une erreur de juger l'orientation actuelle de l'humanisme en se fondant sur des manifestations résiduelles d'anticléricalisme intransigeant. En réalité, la pensée politique d'esprit humaniste a subi une évolution analogue. Consciente du péril totalitaire que recèle le pouvoir en tant que tel, elle a abandonné la formule de l'État éthique qui faisait d'elle un contre-autel de l'Église et a reconnu que l'État n'a d'autre fonction que d'administrer les affaires publiques de tous les citoyens, qu'il n'a pas, par conséquent, cette mission fondamentale de laïcisation anticléricale qu'on lui attribuait dans un passé récent. Dans la politique quotidienne, le débat entre laïques et catholiques continue, tantôt plus vif et tantôt moins, comme il continuera tant que les deux courants spirituels seront vivants. Mais il ne roule plus sur la nature de l'État ni sur l'antagonisme de l'Église et de l'État : seulement sur des détails législatifs concernant l'éducation, le mariage, la propriété ecclésiastique, c1est-à-dire sur des questions qu'on peut aborder de diff érentes façons sans sortir de l'expérience démocratique ni mettre celle-ci en péril. Que les démocraties puissent ainsi avec une ëapacité accrue affronter la lutte politique dans le respect de leurs principes, même quand les problèmes qui se posent sont relatifs aux structures économico-sociales et à la politique religieuse, cela ne signifie pas qu'il s'agisse là d'acquisitions définitives. Si pour d'autres raisons la démocratie devait se montrer incapable d'affronter certains des problèmes de base devant lesquels l'histoire la place, et ainsi entrer en crise, les réconciliations dont on vient de parler feraient bientôt faillite. Il en résulterait une reprise de la polémique contre la démocratie, une rechute dans les manifestations les plus obtuses et les plus âpres de l'esprit de classe ; les tendances antidémocratiques l' emporteraient de nouveau dans les courants politiques catholiques. D'ailleurs, dans des pays comme la France et l'Italie, les signes précurseurs de ce processus de décomposition sont déjà visibles. Et ils ne sont pas dus à la difficulté intrinsèque des problèmes sociaux, des problèmes confessionnels ou de ceux qui sont liés aux structures démocratiques ; ils sont les conséquences ou les reflets· d'un mal plus profond. Velléités européennes BIEN QU'ELLE SOIT sortie d'une lutte à mort contre le nationalisme, l'expérience démocratique de l'après-guerre n'a pas été capable, jusqu'à présent, d'en éHmioer la manifestation principale: le principe de la souveraineté nationale en Europe.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==