DÉMOCRATIE ET NATIONALISME II par Altiero Spinelli La restauration démocratique LA DÉMOCRATIE est venue à bout de l'assaut nationaliste et, au moins dans une partie du monde, à reprendre son expérience grâce à l'héroïque résistance, au moment décisif, de l'Angleterre, berceau des libertés modernes, puis à l'intervention subséquente du peuple américain, le premier qui eût fondé son existence sur .le principe démocratique. Après la chute de l'éphémère empire de Hitler, tandis que l'Europe orientale passait sous la domination communiste après la domination nazie, en Europe occidentale, l'Espagne et le Portugal exceptés, l'expérience démocratique commençait un nouveau cycle rendu possible par l'aide économique et militaire des États-Unis. Les épreuves du passé et la présence d'un nouvel et puissant adversaire ont notablement contribué à rendre plus vivante la conscience des valeurs et des problèmes propres à l'existence démocratique. Beaucoup plus aiguës, avant tout, sont la volonté de .sauvegarder les libertés fondamentales et la conscience que le pouvoir politique, loin d'être une valeur absolue, est un instrument d'action collective au service des citoyens et soumis à leur contrôle. L'aversion pour les dictatures et les régimes totalitaires est si répandue que, si dans le passé on passait pour esprit fort à broca~der la démocratie et si les partis totalitaires - fascistes ou communistes - proclamaient leur volonté de mettre fin aux démocraties timides et inefficaces, aujourd'hui, les premiers ont pratiquement disparu et les seconds ont inventé tout un vocabulaire pour dissimuler leur caractère totalitaire. En second lieu, la conception libérale de la démocratie, qui regardait l'intervention des pouBiblioteca Gino Bianco voirs publics dans la production et dans la répartition du revenu comme une menace pour la liberté, a été surmontée. On a compris que l'abolition de la misère, l'égalité des chances pour tous les citoyens, la sécurité sociale, la participation croissante des travailleurs aux responsabilités de la production, la lutte contre les monopoles et les féodalités économiques, le contrôle public du rythme des investissements et de l'allure du cycle économique sont des exigences essentielles à l'expérience démocratique. Elles ont été, en Europe, exprimées par le mouvement socialiste sous ses diverses formes. Par suite de la résistance tenace des classes aisées et de la confusion d'idées qui régnait dans le camp socialiste, le socialisme a longtemps été considéré, et s'est considéré luimême, comme radicalement opposé à la démocratie. Mais la résistance conservatrice a été vaincue dans les pays les plus avancés ; le communisme qui était, lui, l'authentique antithèse de la démocratie, s'est séparé du socialisme, et celui-ci est devenu définitivement. une composante de l'expérience démocratique. En Amérique, cet enrichissement social de la démocratie, moins dramatique, n'a en rien revêtu l'aspect du socialisme, mais celui seulement du New Deal, et il a du reste contribué de façon sens_ible à l'évolution du socialisme européen dans un sens démocratique constructif. La façon d'affronter les problèmes économiques et sociaux ne cesse pas, dans ses détails, d'alimenter de vives luttes politiques, surtout dans les pays économiquement et socialement arriérés, mais il s'agit désormais d'une manifestation politique normale et non plus, comme dans le passé, de dangereuses crises politiques menaçant l'existence même des institutions libres. .,
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