Le Contrat Social - anno IV - n. 6 - novembre 1960

W. W. ROSTOW soviétiques ne constituent une menace dont les ressources occidentales ne puissent venir à bout. Le problème posé par l'Union soviétique n'est pas dans le caractère unique de l'histoire de sa modernisation. La question est de savoir si l'Occident peut mobiliser ses immenses ressources pour faire le travail nécessaire : il s'agit autant de ressources d'esprit, d'intelligence, de volonté et de perspicacité que d'acier et de gadgets électroniques. La tâche s'étend non seulement aux arsenaux de fusées, mais aux plans quinquennaux indiens et au fin fond du Commonwealth britannique. L'énigme n'est pas dans l'Orient mystérieux, mais dans l'Occident impénétrable. IX. - Fa.utes de jugement marxistes COMMENTcomparer l'analyse des phases de croissance avec le marxisme ? Le marxisme est aussi une théorie de la manière dont les sociétés traditionnelles en viennent à incorporer les intérêts composés dans leurs structures en assimilant la technologie moderne et des étapes qui conuisent à cette phase dernière de l'abondance qui, pour Marx, était le vrai communisme. A ce que nous appelons les phases (société traditionnelle, conditions préalables ou sociétés de transition, démarrage, maturité, haute consommation de masse), répondent féodalisme, capitalisme bourgeois, socialisme et communisme de Marx. La pensée marxiste peut se résumer en sept propositions : 1. Les caractéristiques politiques, sociales et culturelles d'une société dépendent du processus économique, jusqu'à la phase du communisme : les hommes sont alors libérés de la pénurie et peuvent s'épanouir sans contrainte. 2. L'histoire progresse à travers une série de luttes de classes dans lesquelles les hommes affirment leurs intérêts économiques nécessairement contradictoires en raison de la pénurie. 3. Les sociétés féodales (traditionnelles) furent détruites lorsqu'elles permirent la croissance d'une classe moyenne dont les intérêts dépendaient de l'expansion du commerce et des manufactures. 4. Les sociétés industrielles capitalistes créent les conditions de leur propre destruction, car elles n'allouent à la inain-d'œuvre qu'un salaire minimal; l'accroissement de la capacité industrielle mène à une lutte compétitive pour les marchés puisque le pouvoir d'achat de cette main-d'œuvre n'égale pas la production en puissance. 5. Un prolétariat de plus en plus sûr de lui sera en fin de compte, devant des crises de chômaged'unegravitécroissante,incité à s'emparer Biblioteca Gino Bianco 331 des moyens de production, ce qui sera facilité par la formation des monopoles. 6. Prolongement léniniste du marxisme : cette prise du pouvoir se produira à la faveur du bouleversement causé par les guerres impérialistes (luttes entre les monopoles nationaux pour les colonies et les marchés, vers lesquelles les capitalistes chercheraient à détourner l'assurance croissante du prolétariat dirigé par les communistes). 7. Après cette prise du pouvoir, la production progressera régulièrement, sans crises, et le revenu réel augmentera jusqu'à ce que le communisme soit possible. Il existe de grandes similitudes entre la séquence marxiste et l'analyse des phases de croissance. Toutes deux analysent les conséquences de l'incorporation des intérêts composés aux habitudes et aux institutions des sociétés. Toutes deux s'accordent à reconnaître que le changement économique a des effets sociaux et politiques. Toutes deux reconnaissent la réalité des intérêts de groupe et de classe. 'Y'outes deux admettent que les intérêts économiques aident à déterminer les origines de certaines guerres. Toutes deux posent, en définitive, le problème de la véritable abondance. L'équation humaine LA DIFFÉRENCfEondamentale entre les deux analyses réside dans la façon d'envisager les mobiles de l'homme. Le système de Marx est, comme toutes les économies classiques, un ensemble de déductions logiques tirées de la notion de maximation du profit (qu'il s'agit alors de faire coïncider avec l'avantage économique). Dans notre système, l'homme est considéré comme une unité plus complexe, qui recherche en même temps le pouvoir, les loisirs, l'aventure et la sécurité ; qui se soucie de sa famille, des valeurs familières de sa culture et d'autres attachements simples ; qui est capable également de se sentir solidaire de tous les êtres humains. Le comportement qui en résulte n'est pas affaire de maximation, mais un acte qui tend à équilibrer les objectifs, souvent contradictoires, qui paraissent accessibles. Ce qui ne conduit pas à une série de phases historiques rigides, inévitables, .mais permet certaines possibilités de choix. L'analyse des phases de croissance rejette le postulat de Marx pour qui les décisions d'une société ne sont que fonction de la propriété. Les sociétés que Marx considère comme capitalistes n'ont à aucun moment pris toutes les grandes décisions simplement pour obéir au mécanisme du marché libre et de l'intérêt privé. Ainsi en Grande-Bretagne, au plus fort de la marche à la maturité, de 1815 à 1850, la législation des usines fut mise en vigueur; et après que le droit de vote fut étendu dans les deuxième et troisième Bills de réforme, la politique fut déterminée par un équilibreentre le profitet le bien-êtrecondensé

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