Le Contrat Social - anno IV - n. 6 - novembre 1960

CROISSANCE DES NATIONS II par W. W. Rostow VI. - La croissance et la guerre POUR QUE LE SYSTÈME des « phases de croissance» ouvre une perspective partielle sur notre temps qui puisse être utile et tenir tête au marxisme, il faut discuter du problème de la guerre et répondre aux questions que les marxistes posent sous la rubrique « impérialisme». Ce qui doit éclaircir la nature des dangers actuels et fournir des suggestions pour mettre un terme à la course aux armements et organiser· un monde qui compte de nombreuses nations nouvelles. . Les phases de croissance n'expliquent pas la guerre, mais le caractère de la guerre peut s'y rattacher. La transition a eu lieu dans un système d'États nationaux et souverains. La souveraineté nationale signifie que la nation se réserve en dernier ressort le droit de tuer les hommes d'autres nations pour la défense ou la poursuite de ce qu'elle juge être son intérêt. Les guerres procèdent en fait de l'acceptation de ce concept. Elles sont un héritage des sociétés traditionnelles et ne peuvent s'expliquer par les processus déclenchés par la transition aux sociétés modernes. Mais les guerres faites depuis le début de la transition ont leurs caractères propres. Depuis que l'Europe occidentale a entrepris de créer les conditions préalables du démarrage, les guerres ont été de trois genres : - guerres coloniales, engendrées par l'intrusion des puissances coloniales dans des sociétés traditionnelles, la lutte entre puissances coloniales et l'aspiration des peuples coloniaux à l'indépendance; - agressions régionales, guerres limitées qui éclatent lorsque de nouveaux États, aux premiers stades de la modernisation, se souviennent des humiliations passées et veulent profiter de possibilités nouvelles ; - guerres massives qui résultent de tentatives d'hégémonie sur le plan eurasien ou mondial. · Biblioteca Gino Bianco ------ A partir du xve siècle, les nations européennes se firent concurrence outre-mer pour le commerce, les bases et le potentiel militaires. Au début, le plus souvent, on ne visait pas à la puissance : le but était le commerce. Pourquoi dès lors ne faisait-on pas de commerce sans fonder de colonies ? Tout d'abord les nations comm~rçantes étaient déjà prises dans un système de concurrence à base de puissance militaire et politique, chacune étant contrainte non seulement de cultiver ses intérêts, mais aussi de priver d'autres nations de sources de puissance, par exemple en créant un monopole commercial dans une région coloniale. Ensuite, les colonies furent à l'origine souvent établies pour combler un vide. Le commerce normal aurait souvent été plus rationnel et sans doute moins coûteux; mais là où une société traditionnelle en Amérique, en Asie ou en Afrique ne pouvait ou ne voulait s'organiser pour le commerce moderne ou pour la production en vue d'exporter, un groupe économique pouvait persuader le gouvernement de créer des institutions politiques favorables à l'expansion. Mais cela fait, on passait du terrain des affaires à celui du prestige national et de la puissance, du monde de la comptabilité à celui du drapeau. D'autres puissances concevaient le désir d'avoir des colonies qui seraient le symbole de leur prochaine maturité. De 1870 à 1914, les colonies ne répondaient pas à - un besoin strictement économique ; mais la compétition continuait parce que les colonies étaient un symbole de s~atut. EJ dans :une olig~rchie de J?UissancesC<?loruales, l' evacuat1onposait un problème de prestige. La plupart des colonies furent acquises à un prix relativement bas ; mais l'abandon du statut impérial prend d'habitude la forme d'une guerre acharnée, sanglante, ou s'accompagnait d'une crise dans la métropole. La capacité des peuples coloniaux à imposer l'évacuation était toutefois fonction des phases de croissance. Les puissances impériales ne pouvaient éviter d'introduire des changements qui ..

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