LE CULTE DE MAO par Richard L. Walker Aux FtTES du dixième anniversaire du régime communiste chinois au début d'octobre 1959, un orchestre symphonique de style occidental accompagnait un chœur de cinq cents voix pour exécuter, dans un décor d'une splendeur sans égale, un chant qui a presque supplanté l'hymne communiste national : L'orient rougoie, Le soleil se lève, La Chine a donné naissance à un Mao Tsé-toung. Il prodigue ses bienfaits au peuple, Il est le grand sauveur du peuple. L'exécution traduisait bien le degré de fièvre ·que le culte de Mao avait atteint à l'époque. Dans des proclamations et déclarations verbeuses en cette occasion, les hauts dirigeants exaltaient la sagesse infinie et les hauts faits de Mao. Liou Chao-tchi et Tchou En-lai (les n°8 2 et 3 de la hiérarchie) mirent l'accent sur la direction absolue de Mao et ses immenses qualités. Le chœur des louanges comprenait un article spécial sur le Parti publié dans leQuotidiendu peuple du 28 septembre 1959 par Liou Lan-tao (secrétaire adjoint au secrétariat du Comité central du parti communiste chinois), article qui montrait jusqu'à quels extrêmes le culte de _Maoétait allé dans le pays le plus peuplé du monde : Le camarade Mao Tsé-toung est le porte-parole le plus éminent de l'héroïque prolétariat de notre pays, le représentant le plus distingué des traditions supérieures de notre grande nation durant toute son histoire, un phare sur notre route vers le communisme et le plus éminent révolutionnaire, homme d'État et théoricien du marxisme-léninisme contemporain. Il a enrichi de manière originale les trésors du marxisme-léninisme sur une série de questions importantes ... Les 600 millions d'habitants au moins de notre pays ont mis en lui leurs espoirs de bonheur et d'avenir et le considèrent comme l'incarnation du communisme et de la vérité, le symbole de l'invincibilité. L'influence, la sagesse et l'expérience du camarade Mao Tsé-toung et le système de pensée qu'il a créé en combinant le Biblioteca Gino Bianco marxisme-léninisme avec les pratiques effectives de la révolution chinoise sont les trésors les plus précieux de notre parti et de notre peuple. La chaude affection pour le chef est pleinement conforme à notre ardent amour pour notre parti, notre classe, notre peuple et notre grande patrie. Les parallèles entre le culte de Staline en Union soviétique, que Khrouchtchev a mis à nu devant le monde entier, et le culte en plein épanouissement de Mao en Chine sont de nature à faire réfléchir. Comme dans le cas de Staline, les communistes ont réussi à créer pour l'étranger l'image immuable d'un Mao aimable et souriant, communiste convaincu certes, mais souple et populaire. Rares sont ceux qui ont pris le temps de considérer l'effet produit sur un tel homme par une longue période de pouvoir suprême et de succès, effet auquel peu de despotes ont échappé. Lors de la célébration du dixième anniversaire, le régime était aux prises avec de nombreuses difficultés. Son prestige et ses relations avec de nombreux pays s'étaient détériorés. Il avait éveillé l'antagonisme de l'Inde, de l'Indonésie, du Japon et de la République arabe unie. La fraîcheur de l'accueil fait à Khrouchtchev reflétait les tensions de l'alliance sino-soviétique, révélées -pour la première fois peu auparavant. On explique souvent l'attitude agressive et intransigeante de Pékin par la « jeunesse du régime » ; ce serait la manifestation d'une adolescence outrecuidante. Explication commode peut-être d'une conduite en apparence irrationnelle, mais il est douteux que l'analogie avec le cycle de la vie humaine s'impose ; dans le cas de la direction communiste chinoise, elle est proprement inapplicable. Mao Tsé-toung et ses proches compagnons sont au pouvoir depuis longtemps. Depuis trente ans, ils prétendent être le véritable gouvernement de la Chine; Mao lui-même est le chef incontesté du communisme chinois depuis qu'il est devenu président du Parti à la conférence de Tsounyi en janvier 1935, pendant « la Longue Marche».
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