Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

QUELQUES LIVRES Tolstoï présent DANIELGILLÈS: Tolstoï. Paris 1960, Éditions Julliard, 348 pp. NICOLASWEISBEIN: L'Évolution religieuse de Tolstoï. Paris 1960, Librairie des Cinq Continents, 524 pp. PERSONNEne peut plus ignorer que le 9 novembre 1910 Tolstoï mourut dans la petite gare d' Astapovo ; la commémoration de l' événement détermine la publication d'articles et de livres dont quelques-uns méritent de durer peu ou prou et parmi lesquels se distingue l'excel-· lente biographie rédigée par M. Daniel Gillès. La biographie est un genre à la fois facile et difficile, facile parce que le plan est tracé d'avance et la matière toute préparée, difficile parce qu'on risque à chaque instant de tomber dans le faux roman, le pittoresque factice, le procès d'intention. Le danger était ici d'autant plus redoutable que la vie de Tolstoï est par elle-même un roman russe, digne de Dostoïevski. Louons donc M. Gillès dans ces conditions pour son bon goût et son esprit de mesure : il est bien documenté, il sait écrire, user à l'occasion du trait évocateur ou du portrait esquissé; il se garde de donner dans la mauvaise littérature, de s'interposer abusivement entre !'écrivain et nous, de se jeter dans la bataille pour ou contre Léon ou Sonia ; son livre, d'ailleurs vivant et prenant, peut donc être considéré comme une utile introduction à toute étude sérieuse du prophète d'IasnaïaPoliana. La thèse imposante de M. Nicolas Weisbein n'a pas précisément le même attrait ; il faut même avouer qu'elle justifie les suspicions ordinaires à l'égard des travaux d'érudition qu'on présente en Sorbonne. Lourdeur du style, répétitions inexorables, lenteur dictée par le SQucide ne rien omettre, tout cela est bien peu engageant ; raison de plus pour reconnaître les solides mérites d'un travail qui, à partir des journaux intimes, des lettres, des traités théoriques, des œuvres les moins connues, reconstitue avec le maximum de vraisemblance et d'objectivité l'itinéraire religieux du penseur. On voit bien que la tragédie intime dont Tolstoï ne parvint jamais à sortir s'explique essentiellement par ses propres contradictions : d'un côté, un très profond sentiment religieux, la soif alternative du tepentir et de la paix intérieure, la conscience torturante du problème à résoudre, le sens de la communion fraternelle, le besoin d'amour et la peur de la mort - de l'autre, l'orgueil intellectuel, la totale incompréhension de la métaphysique et de la mystique, l'opiniâtreté à s'engager dans la voie d'un rationalisme moral qui serait tout à fait primaire s'il n'était vivifié par la chaleur du cœur. Tolstoï s'est acharné à lire les philosophes, à tonder la théologie dogmatique, à pénétrer les Bibl"oteca Gino Bianco 313 secrets de l'exégèse biblique. Force est bien, tout en admirant son labeur, de sourire de ses naïvetés, de ses audaces péremptoires et de son fanatisme à rebours; mais il n'empêche qu'en lui passa le souffle des prophètes révoltés contre l'iniquité, altérés de justice et de la liberté. S~ parole a mystérieusement touché même ceux qu1 ne lisent pas, fomenté le tolstoïsme, puis dans une certaine mesure le gandhisme. On aura mieux compris pourquoi après avoir lu l'ouvrage substantiel et probe de M. Weisbein. LÉON EMERY •. L' ~ internationalisme » du Kremlin GÜNTHERNoLLAU : Die Internationale. Wurzeln und Erscheinungsformen des proletarischen lnternationalismus. Cologne 1959, Verlag für Politik und Wirtschaft, 344 pp. LE sous-TITREde l'ouvrage : « Racines et manifestations de l'internationalisme prolétarien», indique bien que l'auteur n'a pas voulu écrire une histoire des Internationales, ni même de la Troisième; il se propose d'exposer le fonctionnement des organismes d'obédience moscovite (qu'ils s'appellent Komintern, Kominform ou tout simplement· M.V.D.), la formule « internationalisme prolétarien» s'entendant au sens que lui donnait Staline et que lui donnent ses successeurs : celui d'une subordination inconditionnelle aux ordres de Moscou. Le développement d'un sujet aussi vaste implique évidemment de nombreux aperçus historiques, de sorte que M. Günther Nollau nous donne, sans le vouloir, sinon à son insu, une histoire assez complète, quant aux faits principaux, de l'Internationale communiste et des officines qui prirent la succession. . Il s'agit d'un des ouvrages les plus sérieux qu1 aient été publiés sur le sujet. Il est unique en son genre par la présentation systématique de la matière, par l'énumération quasi exhaustive des innombrables organisations satellites (depuis l'Internationale syndicale jusqu'au Secours rouge international et aux nombreux autres organismes camouflés) et la description de leur fonctionnement. Il s'appuie sur une documentation exceptionnellement abondante : notes, références biographiques et bibliographiques occ~pent 7~ pages sur les 344 pages que compte ce ltvre. AJoutons que M. Nollau utilise à bon escient une énorme documentation, parfaitement assimilée : il sépare le bon grain de l'ivraie. Ainsi, pour ne citer qu'un seul exemple, il n'accorde qu'un crédit fort limité aux fantaisies de feu Franz Borkenau, tout en le mentionnant, ce qui est normal, dans la bibliographie. Il faut tout particulièrement savoir gré à l'auteur d'avoir poursuivi Sl démonstration jusqu'à l'époque la plus récente. Après avoir décrit et

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