Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

P. BARTON Il convient de noter que les archives englobent, outre les documents se rapportant spécialement à la région de Smolensk, ~i,en des décrets et dir~c: tives secrets des autontes centrales - Comite central et Commission de contrôle du Parti, gouvernement, etc. - qui s'appliquent à toute l'Union soviétique. On ne saurait trop souligner combien il serait utile de publier l'ensemble de ces textes. LE TABLEAU de la vie soviétique tel qu'il ressort des archives de Smolensk prend place à côté de certaines données officielles exceptionnellement franches et les récits de témoins comme A. Ciliga, Andrew Smith, Yvon, A. Ouralov, Jean Rounault, Suzanne Leonhard. Parti~ulièrement précieux sont les rapports de la police secrète sur la situation, -sur les pratiques des organes du pouvoir, sur les sentiments de la population, rapports stupéfiants P3:1"leur franchise et l'absence de tout embellissement des faits relatés. Cependant, les décrets et ordres secrets sont également instructifs. Ainsi, l'image de la sinistre liquidation des « koulaks », telle qu'elle apparaît à travers ces textes, dépasse l'imagination malgré tout ce qu'on savait déjà. Prenons l'exemple de l'okroug de Vélikié Louki (pp. 242246). Le 28 janvier 1930, le comité du Parti décida de déporter les «koulaks» et de c?nfisqu~r le~r propriété; il chargea de cette opération, qw devait s'achever le 1er mars, deux membres de la police ·secrète. Deux jours plus tard, il approuv~ _les mesures suivantes : 1, ajouter quatre policie~s supplémentaires et mobiliser en outre onze ~uxiliaires de la police secrète ; 2, mettre à la ~sposition de cette dernière 10.000 roubles; 3, dechargerla milice de ses autres fonctions pour l'utiliser dans cette campagne; 4, armer tous les participants ; 5, remettre à plus tard, pour ne pas soulever l'indignation des paysans, la fermetu~e envisagée des églises. Le 6 février furent constituées des troïka ( commissions de trois m~mbre~) chargées de diriger les opérations, ~t vmgt-stx commissaires spéciaux furent envoyes dans les rayons. Le 12 février, par une lettre secrète,. les troïka furent invitées à inventorier dans les qwnze jours toute la propriété des koulaks et à class~r leurs foyers en trois catégori~s frappées respecttvement d'arrestation, de deportatlon dans des régions lointaines ou. de transfert sur. des tei:res de mauvaise qualité, ainsi que de_travail forestier, construction de routes, de voies ferrees, etc. Chaque rayon reçut les « chiffres d'orientation.» des koulaks à arrêter ou à déporter. Les orgarusations du Parti et des syndicats furent chargées de chasser les koulaks des usines et d'empêcher leur fuite à la ville. Le 28 févriet, un rapport adressé au comité d' oblast précise qu'il avait ~allu liquider 3.551 foyers, dont 947 par arrestation, 1.307 par déportationet 1.297 par transfertsur dë mauvaisesparcelles;qu'environ800 personnes Bibli.oteca Gino Bianco 309 avaient été « prises en charge » jusq1;1e·-lpà~r la police secrète et que 50 autres avaient pris., 1~ fuite ; que dans la plupart des rayons_ la propnete des koulaks désignés était déjà remise aux kolkhozes. A la même date, un rapport de la police secrète rend compte de quelques pratiques. D~s de nombreux villages, les membres des « brigades ouvrières » et les petits fonctionnaires du Parti et des soviets enlevaient aux membres du foyer condamné, chez les koulaks et les paysans moyens, des vêtements et du linge de corps (directement sur le corps), « confisquaient » les bonnets sur la tête des enfants et arrachaient les chaussures des pieds d~s gens. Ils partageaient e~tre eux le b,utin, mangeaient sur pla~e la ~ourri!ure trouvee e! buvaient l'alcool qu'ils avaient decouvert, ce qui occasionnait des orgies. En quête de « confiscations» plus nombreuses et fructueuses, une commune se mit à liquider les koulaks d'un village voisin qui était du « ressort » d't~n a_utrek?lkh~z~ ; une lutte entre les deux orgarusat1ons s ensu1v1t, mais la première, sous la conduite de son secrétaire du Parti, s'empara de beaucoup d'argent et de biens avant que la seconde n'ait pu agir. Même les lunettes étaient arrachées aux paysans par ces «communards». Lorsque la police fit une enquête sur le sort des biens « confisqués », la commune détruisit l'inventaire original et en établit un autre.- Selon un autre rapport de police, daté du 23 février, quantité de paysans moyens et même pauvres étaient arrêtés par « n'importe 9ui » : émissaires des rayons, membres des soviets de village, présidents de kolkhoze et autres, sans aucune raison; dans bien des cas, personne ne donnait à manger au bétail saisi. Un autre rapport signale une vague de suicides parmi les «koulaks » ou prétendus tels. A ce stade, l'opération reçut un coup de frein de la part des instances supérieures. Autre exemple, celui du district rural de Roslavl (pp. 247-25?)-. Là, les prépara~ifs commencèrent le 15 fevr1er 1931. Les listes des koulaks et paysans aisés fournies par les soviets de village étant jugées inutilisables, des questionnaires personnels furent adressés à 215 victimes éventuelles, sous prétexte de vérifier les comptes. Sur cette base, la troïka condamna le 18 mars 72 foyers à la déportation .. Le len~emain soir les émissaires reçurent leurs mstructions et cha~un fut chargé de la liquidation de deux foyers. L'opération devait être menée à bien au cours de la nuit. Cependant, comme les émissaires ne resJ?ectèrent pas suffis~ent les ~onsignes de ~il~nce qu'on leur ~vait prescrites, bien des victimes furent averties à temps et prirent le large. Aussi ne réussit-on à déporter que 35 familles. Un,!f~ort de police (27 mars 1931) mentionne 427 fi es, soit 2.202 personnes, rassemblées à Roslavl en vue de leur déportation. Tout en pré-

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