Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

302 philosophique. Les vieux amis de la réforme se divisent ; bientôt ils se craignent ; encore un moment, et ils se détesteront plus qu'ils ne détestent leurs communs ennemis, qu'ils ne jugent plus redoutables. Tout est faction dans le parti de la vérité, tandis que le parti opposé devient de plus en plus compact par l'unité d'intérêts qu'une crainte commune y a fait naître. Cependant le peuple, dont les intérêts matériels ne sont point engagés directement dans ces querelles, continue de regarder avec son bon sens, ne voulant et ne cherchant que la vérité, mais la voulant promptement, parce qu'il en a besoin. Il sait qu'elle n'est pas dans le vieux dogme : quoi qu'il arrive, il ne se ralliera pas à ses partisans ; mais il est étonné de ne plus la trouver dans la bouche de ses amis. Eux qui parlaient de si bon sens et avec tant d'unanimité et de désintéressement, les voilà qui se perdent dans des systèmes inintelligibles, qui se divisent sur tous les points, qui se haïssent, qui deviennent évidemment égoïstes et ambitieux comme leurs adversaires. Qu'est devenu le zèle pur de ces apôtres de la nouvelle foi ? Où est la vérité promise ? Où est le bonheur qu'ils annonçaient au peuple ? C'était pour lui et pour lui seul qu'ils voulaient travailler; et c'est pour eux-mêmes qu'ils combattent, se divisent, et, oubliant le vieil ennemi, se déchirent entre eux. ........................................... A mesure que le temps marche et qu'avec lui s'augmentent le dégoût de ce qui est et l'attente de la vérité, un grand nombre d'esprits, même parmi ceux qui n'ont point cherché, se trouvent plus ou moins illuminés. Tous seront des apôtres ou des prosélytes, des soldats ou des chefs de la foi nouvelle. Cette foi est déjà née. Elle vit dans l'esprit de plusieurs, elle est attendue par Biblioteca Gino Bianco PAGES OUBLIÉES tous : car tous ressentent une vague inquiétude, dont elle est l'objet ignoré, et qu'elle seule peut apaiser. Ses ennemis sont usés, divisés, méprisés. Les anciens chefs ne sont plus, et, malgré leur ardeur à former des élèves dignes d'eux, ils n'ont pu faire, avec de l'ignorance et du fanatisme, que des hommes plus méchants que redoutables. La force du parti n'a plus de nerf; c'est une apparence qui va tomber en poussière ; tout le peuple l'abandonnera au premier mot, au premier signe. Enfin les temps sont arrivés, et deux choses sont devenues inévitables : que la foi nouvelle soit publiée, et qu'elle envahisse toute la société. Comment ce grand phénomène se produira-t-il ? Quelles circonstances particulières décideront son apparition un jour plutôt qu'un autre, dans tel lieu plutôt que dans tel autre ? Il n'y a rien ici de nécessaire ni d'absolu. Tantôt le pouvoir se désorganise lui-même, et laisse le champ libre à qui veut régner ; tantôt un événement extérieur vient le pousser et détermine la manifestation de la vérité ; tantôt un fait trivial, imprévu, en apparence insignifiant, introduit sur la scène un homme qui parle, et cette étincelle allume l'incendie; quelquefois c'est un ·prophète enthousiaste qui ne peut résister à la vérité qui le possède, et qui se produit tout à coup fort de sa mission et de son zèle. L'homme, le lieu, le moment, l'occasion n'y font rien : toujours est-il que la force des choses rend inévitable une promulgation qu'elle a préparée, et dont elle a d'avance abattu tous les obstacles. Ainsi s'accomplit la ruine du parti de l'ancien dogme et l'avènement du nouveau. Quant au vieux dogme lui-même, il est mort depuis longtemps. THÉODORE J OUFFRor. 0

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