Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

Anniversaires Bicentenaire de la naissance de Saint-Simon SAINT-SIMON ET L'ÉVOLUTION HISTORIQQE par Michel Collinet IL Y A deux siècles, le 17 octobre 1760, naissait Claude-Henri de Saint-Simon. On ne va pas ici retracer sa vie : le lecteur en trouvera le récit dans le livre de Maxime Leroy : La Vie du comte de Saint-Simon (1925). Sans parler des lettres et opuscules, son œuvre tient en une douzaine d'ouvrages, écrits de 1802 à 1825, pratiquement introuvables aujourd'hui en dehors de quelques grandes bibliothèques publiques, ouvrages d'une lecture rendue souvent pénible par des répétitions et des digressions causées, semble-t-il, par un souci constant de propagande. On peut donc dire sans paradoxe que cet auteur illustre est singulièrement méconnu, car ce n'est pas le connaître que d'avoir transformé en aphorismes de propagande socialiste quelques-unes de ses considérations sur l'histoire et la société, sans leur contexte. Malgré les exercices parfois puérils de ses disciples, Saint-Simon a eu une immense influence au xixe siècle sur les chefs d'industrie, les économistes, les réformateurs et les socialistes. On sait ce qu' Auguste Comte lui La loi du progrès DEPUIS le marxisme et le socialisme dit « scientifique», c'est un lieu commun que de qualifier d'utopiques les idées de Saint-Simon. Son système cependant n'est pas comparable aux utopies rationalistes du xv1e siècle, encore moins à celle de Platon. Il est entièrement déduit de sa philosophie de l'histoire, où les constructions de l'esprit, dont aucune société civilisée ne peut se pass·er, s'insèrent dans un déterminisme rigoureux. Après Condorcet, il croit au progrès indéfini de l'esprit humain et il en cherche l'origine dans un perfectionnement ininterrompu de l'organisation physiologique de l'individu comme de Biblioteca Gino Bianc doit. Marx et Engels lui ont rendu hommage et ont largement utilisé ses analyses historiques t·out en critiquant ses vues « utopiques », ce qui ne les a pas empêchés d'en annexer quelques-unes sans les modifier. Enfin, si le capitalisme libéral s'écartait de l'évolution prophétisée par Saint-Simon, il n'en est plus de même des régimes actuels d'économie dirigée ou collectivistes, et le régime totalitaire nous paraît même une caricature de la société industrielle qu'il préconisait. Il n'existe pas d'édition complète des œuvres de Saint-Simon. Dans la présente étude et dans celle qui lui fera suite, nous avons utilisé : - Œuvres de Saint-Simon et d' Enfantin, 47 vol. (Dentu éd., 1865-78), dont 11 pour Saint-Simon; ils sont signalés ici par des chiffres romains, conformément à la tomaison de l'édition générale; - Œuvres choisies, 3 vol., publiées à Bruxelles en 1859 par le saint-simonien Charles Lemonnier; titre abrégé : OC. la ·société. Ce progrès est linéaire 1 et continu comme la succession des instants, et quoiqu'il ne le cite pas, il emprunte à Leibniz son principe de continuité : la société~ pas plus que la nature, ne fait de sa_uts, elle est un processus qu'une analyse purement statique risque de fausser, car le présent porte en lui « les restes d'un passé oui s'éteint et les germes d'un avenir qui s'élève» 2 • La science sociale, si elle ne veut I. « Toutes les choses qui sont arrivées, toutes celles qui arriveront forment une seule et même série dont les premiers termes constituent le passé et dont les derniers composent l'avenir» (Mémoire sur la sciencede l'homme, XL, p. 14). 2. Du ,y1tm11 industri,1 XXI, p. 69.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==