W. W. ROSTOW reprendre h croiss1nce d 1ns de nouveaux secteurs-clés. L'un des critères du démarrage est l'aptitude d'une société à se redéployer ainsi.) En Suède, la réaction fut positive: passage du bois à la pâte à papier, de l'exportation de planches non rabotées aux planches rabotées et aux allumettes. Les minerais du Norrland commencèrent d'être systématiquement exploités par des méthodes modernes ; la fonte brute fit place à l'acier très raffiné et aux industries mécaniques ; l'énergie hydroélectrique fut mise en exploitation, jetant les bases d'une industrie électrique hautement qualifiée qui devait par la suite permettre aux chemins de fer d'abandonner le charbon pourl'électricité. La Suède se mit à produire nombre d'articles manufacturés jusqu'alors importés. Les années 1890 marquèrent, suivant l'expression de Lindahl, le début d'une phase de « différenciation d! la production». A la fin des années 20, la Suède était une société complètement mûre, prête pour l'État bien-être et l'âge des biens de consommition durables. L'exemple du Japon L'histoire du Japon a, dans ses grandes lignes, un air de famille avec celle de la Suède, malgré une plus grande pauvreté des ressources par tête d'habitant et un milieu culturel et politique on ne peut plus différent. La ressemblance est dans l'essor remarquablement tenace vers la maturité entre 1880 et 1940 ; un peuple laborieux sut utiliser au mieux la technologie moderne pour tirer parti d'une gamme assez étroite de ressources naturelles. Le Japon offre un exemple classique du rôle de l'agriculture pendant la période de transition ; mais le dynamisme agricole n'aurait pas suffi à provoquer le démarrage. Dans les années 1880 et 1890, nombre d'industries nouvelles s'implantèrent, au début sur l'initiative du gouvernement qui les remit à l'entreprise privée dès que des hommes nouveaux furent prêts à assumer les responsabilités et les risques. Le démarrage reposa sur les chemins de fer, les constructions navales, le coton, la sériciculture et le traitement de la soie, le charbon et la fonte brute, enfin sur un accroissement massif des dépenses militaires qui favorisa l'industrie mécanique. En 1900, l'indust:de moderne était encore petite et largement dominée par les textiles. C'est entre 1900 et 1920 (avec notamment le stimulant de la première guerre mondiale) qu'apparurent les engrais chimiques, l'acier et l'appareillage électrique. Dans les années 30, les industries mécaniques prirent une grande extension, sous l'impulsion de la Mandchourie et des préparatifs de guerrl! ; et la valeur de la production des métaux, des machines et des produits chimiques dépassa enfin celle d s textiles. Ain5i, après avoir démarré trente_ ans envir0n après l'Allemagne et dix ans B-ibroteca Gino Bianco 277 après la Suède, le Japon parvint à la maturité à peu près en même temps qu'elles. La Russie, après une période de transition particulièrement longue (jusqu'en 1861 la société traditionnelle ne céda que très lentement) commença à démarrer vers 1890. Comme le démarrage canadien qui eut lieu au même moment, le démarrage russe fut favorisé par la hausse mondiale des prix du blé du milieu des années 1890; car cette hausse rendit intéressante, dans les deux pays, la mise en place de vastes réseaux ferroviaires. Ce sont les chemins de fer, avec leurs effets multiples sur la croissance, qui faisaient démarrer la Russie lorsque la première guerre mondiale éclata. Le charbon, le fer et les constructions mécaniques progressèrent rapidement, ainsi qu'une industrie cotonnière moderne pouvant répondre à l'accroisse1nent de la demande intérieure. Les champs pétrolifères de Bakou donnèrent leur plein, le complexe ukrainien charbon-fer se constitua, comme ceux de la Ruhr, de Pennsylvanie et du Middle West l'avaient fait un siècle plus tôt. La Russie tsariste On oublie trop souvent que, pendant deux décennies avant 1914, la production industrielle de la Russie augmenta d'environ 8 % par an. Les communistes héritèrent d,une économie qui avait déjà démarré ; les plans quinquennaux ne sont pas un démarrage mais une avance vers la maturité (processus de différenciation industrielle, avance sur un large front). A certaines différences près, dues aux objectifs particuliers des communistes, les grandes lignes de la croissance soviétique entre 1920 et la mort de Staline sont semblables à celles de l'Europe occidentale et des États-Unis pendant les décennies qui précédèrent la guerre de 1914; la Russie traversait l'âge postérieur aux chemins de fer, l'âge de l'acier, des machines-outils, des produits chimiques et de l'électricité. Il y eut trois différences essentielles. Premièrement, le gouvernement soviétique freina l' élévation de la consommation ·et se concentra sur la formation du capital et les dépenses militaires, mettant un accent disproportionné sur les industries consommatrices de métaux par opposition au logement et aux transports. Deuxièmement, malgré d'importantes mises de· fonds dans l'agriculture, la collectivisation freina la productivité et obligea une proportion tout à fait anormale de la main-d'œuvre à demeurer dans les campagnes. Troisièmement, l'essor de la Russie vers la maturité se produisit à un moment où le potentiel technologique comprenait des éléments (notamment dans l'aéronautique, l'électronique, l'énergie atomique) dont ne disposaient pas les sociétés qui s'étaient développées plus tôt; si bien que lorsqu'elle rattrapa son retard technologique, elle le fit à un autre niveau que les puissances qui avaient
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