276 Secteurs-clés Les secteurs qui ont joué un rôle-dé dans le processus de démarrage présentent aussi une grande diversité. La croissance primaire en Angleterre commença par les cotonnades. Or le développement des industries cotonnières modernes qui remplacent les importations est plutôt la marque des périodes antérieures au démarrage (par exemple en Inde, en Chine, au Mexique). Mais dans l'Angleterre de la fin du xv1ne siècle, période de développement intense de l'industrie cotonnière, les conditions préalables au démarrage étaient pleinement créées. Le progrès dans nombre d'industries avait été consi- _ dérable tout au long du siècle et le milieu social et institutionnel était préparé. Tout d'abord l'industrie tenait une grande place par rapport à l'ensemble de l'économie; un pourcentage élevé de sa production allait à l'exportation; et son évolution était par voie de conséquence un fait plus important, aux répercussions secondaires plus profondes, que si elle avait été limitée au marché intérieur. L'essor rapide de l'industrie eut des réactions secondaires sur le développement des régions urbaines, la demande de charbon, de fer et de machines, de capitaux et, finalement, de transports. Ensuite, les développements technologiques dans le coton anglais provoquèrent une forte réduction des coûts et prix réels, suscitant ainsi une demande bénéfique pour l'e~pansion. Les industries fondées plus tard n'eurent pas cet avantage, car elles ne firent que substituer les cotonnades indigènes à celles de l'étranger ; il n'y eut pas alors de baisse marquée du prix d'achat réel des textiles de coton et pas d'augmentation équivalente du revenu réel. Le chemin de fer a été l'élément le plus puissant des démarrages. Il a exercé trois sortes principales d'effet. Il a réduit le prix des transports intérieurs et amené au commerce de nouvelles régions et de nouveaux produits. Ensuite, il a souvent constitué une condition préalable à l'ouverture d'un nouveau et important secteur d'exportations à croissance rapide, lequel a engendré à son tour des capitaux pour le développement intérieur. En troisième lieu, et c'est là sans doute un facteur décisif, ses besoins ont mené au développement des industries modernes du charbon, du fer et des constructions mécaniques. En l'absence des conditions préalables générales, la mise en place d'un réseau serré de chemins de fer n'a cependant pas suffi à provoquer le démarrage, à preuve l'Inde, la Chine, le Canada d'avant 1895, l'Argentine d'avant 1914. IV. - La marche vers la maturité LE PROGRÈS vers la ma~rité a été partout fortement influencé par la nature même du démarrage. Pour nombre . de .nations, il passait par un ensemble d'industries dont les possibilités · furent mises en valeur, en partie, · Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL grâce aux chemins de fer. Du fait des nécessités d'entretien des chemins de fer, la production · d'acier bon marché et de bonne qualité fit prime, car les rails en acier durent plus longtemps que. les rails en fer ; l'industrie de l'acier est en quelque sorte fille des chemins de fer, comme en Angleterre ces derniers étaient nés des besoins- du coton.· Une fois qu'il y eut du bon acier à bon marché, ses applications se multiplièrent : du matériel ferroviaire, on passa atix spécialités mécaniques, chimiques et électriques, aux constructions navales et aux ponts et chaussées. C'est dans l'expérience technique de la construction et de l'exploitation des chemins de fer que furent jetés pour une bonne part les fondements de la marche du monde occidental à la maturité. L'acier est l'attribut essentiel du mouvement qui porta l'Europe continentale et les États-Unis vers la maturité après la mise en place du réseau ferroviaire. La Grande- Bretagne fut la première à parvenir à la maturité. Mais entre l'exposition de I 8 5 I au Crystal Palace et le marasme européen de 1873 - c'est-à-dire à l'âge d'or de la prospérité victorienne - la position relative des puissances industrielles se modifia, de sorte qq.e les ÉtatsUnis, l'Allemagne, la France èt l'Angleterre entrèrent à peu près ensemble dans l'âge de l'acier qui suivit la construction des chemins de fer. Plusieurs facteurs se combinèrent pour ralentir l'allure du développement relatif de la GrandeBretagne ; mais l'un d'entre eux est particulièrement significatif. C'est une chose d'être une économie mûre à l'avant-garde de la technologie, de ne disposer tous les ans que d'une partie de la nouvelle technologie créée l'année précédente; c'en est une autre d'être un tard-venu et de disposer d'un vaste potentiel de technologie. Une fois que les États-Unis et l'Europe occidentale continentale eurent achevé leur démarrage, l'Angleterre avait perdu une bonne partie de son avance; car ceux-là purent faire jouer le potentiel de technologie plus rapidement qu'il n'avait été créé. L'histoire se répète, et la Russie est en train de combler le fossé technologique qui la séparait de l'Occident; la Chine, l'Inde, le Brésil et d'autres s'apprêtent, d'ici un demisiècle environ, à jouer le même tour à leurs aînés en maturité, y compris _laRussie. La Suède relève le gant Pour lâ Suède, le tourna..~tvers la maturité vint au début des années I 890, sous forme d'un défi - une crise marquée par un fléchissement des marchés d'exportation sur lesquels avait été fondé en grande partie son démarrage. (C'est là un phénomène normal. Le dém1rrage est, structuralement, un essor de la production dans des secteurs relativement peu no~nbreux. Il est dans la nature des investissements que ces essors de secteür soient exagérés ; telle est en effet l'essence du · cycle commercial. L' économte doit alors regrouper ses ressources, les redistribuer et
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