Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

W. W. ROSTOW libre~ », issus d'une Grande-Bretagne déjà fort avancée dans le processus de transition. La création des conditions préalables du démarrage fut surtout, pour eux, une question économique et technique, comprenant la constitution d'un capital d'infrastructure (chemins de fer, ports, routes) et d'w1 cadre économique dans lequel un passage à l'industrie était profitable. Pour le reste du monde, le changement d~vait être plus radical. L'explication purement économique est simple. Pour que la croissance continue d'elle-même, il suffit d'une augmentation du taux d'investissement et du stock de capital par tête d'habitant. Ce qui fait toute la différence économique entre - une société traditionnelle et une société moderne c'est le rapport du taux d'investissement au taux d'accroissement de la population : par exemple moins de 5 % du revenu national pour une société traditionnelle, 10 % ou davantage pour une société moderne. Avec un rapport capital-production d'environ 3 à 1, une société qui investit plus de 10 % de son revenu national gagnera de vitesse n'importe quel accroissement de la population ; et elle peut dès lors s'attacher à augmenter régulièrement la production par tête d'habitant. Telle est la formule. Mais pour élever le taux d'investissement la société doit disposer d'hommes capables de mettre en pratique la science moderne ' et les inventions qui réduisent les prix de revient. D'autres doivent être prêts à assumer la direction en faisant entrer le flux des inventions dms le capital existant. D'autres doivent être disposés à .prêter leur argent à long terme, en prenant de gros risques, pour soutenir l'entrepreneur qui innove, et renoncer aux prêts, au commerce extérieur ou aux affaires immobilières pour se consacrer à l'industrie moderne. La population dans son ensemble doit apprendre à faire fonctionner un système économique dont les méthodes changent sans cesse et qui confine de plus en plus l'individu dans de grandes organisations disciplinées, lui assignant des tâches étroitement spécialisées et qui se répètent constamment. Pour constituer un capital il ne suffit pas de porter les profits au maximum ; il faut que la société prenne des attitudes réalistes à l'égard de la science, en particulier de la science appliquée, qu'elle ose prendre des risques et que la maind'œuvre sache s'adapter. Même d'un point de vue purement économique, la constitution du capital ne peut pas .être considérée avec ·profit comme un processus unique, indifférencié, global. Le problème de la productivité accrue en agriculture et dans les industries d'extraction et celui ~u capital d'infrastructure sont aussi très importants. Denrées alimentaires et capital Prenons d'abord l'agriculture et les industries d'extraction, ressources naturelles accessibles dont les nouvelles techniques peuvent accroître rapiBiblioteca Gino Bianco • 273 dement la productivité. La modernisation exige d'importants fonds de roulement, dont une grande partie doit venir de !'augmentations rapide de la production ; les importations de capitaux peuvent bien entendu jouer leur rôle, mais de manière générale on doit payer l'intérêt des prêts et le moyen le plus facile de le faire est d'appliquer aux terres et autres ressources naturelles le potentiel encore inexploité d'innovations. Plus particulièrement, l'agriculture doit fournir davantage de produits alimentaires pour répondre à l'accroissement démographique, surtout celui de la population urbaine. Elle doit élargir les marchés des industries-clés en puissance. Elle doit aménager, à mesure que le revenu réel des paysans augmente, une source d'impôts propres à financer les fonctions gouvernementales pendant la transition. Elle doit fournir aussi au secteur moderne un volume accru de capital disponible pour avances de fonds, transférant ainsi le revenu excédentaire de ceux qui le gaspilleraient en menant un train de vie prodigue à ceux qui l'investiront, et qui plus tard réinvestiront régulièrement leurs profits. Le capital d'infrastructure joue aussi un rôle décisif. Une très forte proportion des investissements doit aller aux transports et autres dépenses sociales d'infrastructure. Ces dépenses ont trois traits spécifiques. En premier lieu, leurs périodes de gestation et de rendement sont d'habitude longues. A la différence de la double récolte ou de l'emploi d'engrais artificiels, il est peu probable qu'un réseau ferroviaire donne des résultats un an ou deux ap_rèsle début des travaux. Ensuite, le capital d'infrastructure est généralement « lourdaud » ; certaines formes d'investissements peuvent progresser par petits accroissements, ce qui n'est pas le cas quand on entreprend de construire une longue voie ferrée. Enfin, ses profits reviennent souvent, de façon indirecte, à la communauté plutôt que directement aux entrepreneurs qui en prennent l'initiative. Ces trois caractéristiques font que les gouvernements doivent d'ordinaire jouer un rôle très important dans la constitution du capital d'infrastructure, donc dans la « période des conditions préalables » en général. Nationalisme et profit Tournons-nous vers le côté non économique des conditions préalables au. démarrage : les grandes lignes des changements sociaux nécessaires commencent à être assez connues. Une nouvelle élite dirigeante doit surgir et pouvoir entreprendre l'édification d'une société industrielle moderne. Dans une certaine mesure, cette élite doit supplanter l'autorité de l'ancienne élite à base terrienne dont il s'agit de desserrer ou de briser l'emprise sur le revenu supérieur aux niveaux minimaux de consommation si elle ne dévie pas d'elle-même ce surplus vers les secteurs modernes. Généralement l'horizon des chances doit s'élargir ; l'homme doit accepter de changer de vie et de se spécialiser. C'est un fait historique que

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