Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

272 vigueur, comme les Japonais ? En faisant une vertu de la veulerie, comme les Irlandais opprimés du XVIII8 siècle ? En modifiant lentement et à contrecœur les caractères traditionnels, comme les Chinois ? Quand l'état de nation indépe~dante moderne est atteint, comment les énergies doivent-elles être employées ? A l'agression extérieure, pour redresser de vieux torts ou exploiter les nouvelles possibilités d'accroître sa- puissance ? A parachever la victoire politique du nouveau gouvernement national sur les intérêts régionaux ? Ou à moderniser l'économie ? Le démarrage une fois assuré et la croissance se poursuivant, dans quelle mesure le but de diffuser la technologie et de porter au maximum le taux de croissance doit-il être affecté par le désir d'augmenter la consommation par tête d'habitant et le bien-être général ? La maturité technologique atteinte et la nation disposant d'une machine industrielle modernisée, à quelles fins doit-elle être employée et dans quelles proportions ? A accroître la sécurité sociale par l'Etat bien-être ? A développer la consommation de masse en l'étendant à toute la gamme des biens de consommation durables et des services ? A prendre du poids dans l'arène mondiale ? A augmenter les loisirs ? Passer en revue les grandes lignes de chacune des phases de croissance, c'est donc non pas examiner seulement la structure de secteur des économies en transformation, mais .une série de choix stratégiques faits par des sociétés entières. Le fait économique fondamental des sociétés traditionnelles est l'existence d'un plafond de la productivité. Entrent dans cette catégorie l'ensemble du monde d'avant Newton (Newton étant pris comme symbole de cette ligne de partage à partir de laquelle les hommes en vinrent à croire que le monde extérieur était soumis à des lois connaissables et se prêtait à la manipulation productive), les dynasties chinoises, les civilisations du Moyen-Orient et de la Méditerranée, l'Europe médiévale, ainsi que les sociétés post-newtoniennes qui, pendant un temps, ne furent pas touchées par le nouveau savoir. Les sociétés traditionnelles Les sociétés traditionnelles ne sont pas statiques. Leur commerce intérieur et extérieur varia en fonction de l'agitation politique et sociale, de l'efficacité du gouvernement central, de l'entretien des routes. Des manufactures se développaient selon des rythmes variés et enregistraient des améliorations sporadiques ; la productivité agricole pouvait s'élever avec l'aménagement de l'irrigation ou la découverte d'une nouvelle culture. Mais la productivité était limitée faute de science moderne. . Il s'ensuivait que la production alimentaire absorbait 70 % de la main-d'œuvre, ou même davantage. De cette primauté· de l'agriculture découlait une structure sociale hiérarchisée qui Bibiioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL laissait peu de place à la mobilité verticale - la fortune et le pouvoir étant aux mains de ceux qui détenaient les loyers fonciers. Les valeurs sociales étaient adaptées aux horizons limités que les . hommes pouvaient entrevoir. Le revenu excédant le niveau minimal de consommation allait pour l'essentiel à des dépenses non ou peu productives· - fêtes et cérémonies religieuses, monuments, guerres, grand train de vie pour la minorité de propriétaires fonciers. Les liens de famille et de clan jouaient un grand rôle. Le pouvoir politique tendait à appartenir aux diverses régions plutôt qu'à la capitale ; en tout cas, les propriétaires terriens exerçaient d'habitude une grande influence sur le pouvoir politique central, quand il existait. Changements complexes De ces caractéristiques se dégage implicitement la nécessité de transformations multiples avant que la croissance ·puisse être assise pour conduire à la maturité. Une société à prédominance agricole doit se transformer en une société qui s'occupe surtout de l'industrie, des con1munications, du commerce et des services. Une société qui s'appuie sur des régions qui pour la plupart se suffisent à elles-mêmes doit orienter son commerce et ses modes de pensée vers la nation et une position internationale élargie. L'attitude envers la natalité doit se transformer pour aboutir à une baisse des naissances, à mesure que les chances de progrès individuel augmentent et que le besoin de maind' œuvre agricole non qualifiée diminue. Le revenu excédant le niveau minimal de consommation doit être remis à ceux qui le dépenseront en routes et chemins de fer, écoles et usines, plutôt qu'en maisons de campagne et en domestiques, en parures et en temples. Les hommes ne doivent plus être jaugés à leurs attaches avec un clan, une classe ou même une corporation, mais à leur capacité individuelle à exercer des fonctions de plus en plus spécialisées. Et surtOut l'homme doit apprendre à considérer le milieu physique non comme une donnée de fait due à la nature et à la providence, mais comme un monde ordonné qui peut être transformé en vue d'une augmentation de la production. Tout cela - et bien davantage encore - entre en ligne de compte dans. le passage d'une société traditionnelle à une société moderne en croissance. Ces changements ne se produisent ni simultanément ni dans une succession due au hasard. Certains ,doivent être fort avancés avant ·que la croissance puisse commencer. Il. ~ La société de transition LA PLUPART DES SOCIÉTÉS ont opéré la transition à la croissance continue sous le coup d'un défi extérieur. Le petit groupe qui • échappe à la règle comprend les États-Unis et les dominions britanniques les plus anciens. Ceux-ci, suivant l'expression de Louis Hartz, sont « nés

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