CROISSANCE DES NATIONS I par W. W. Rostow Le professeur W. W. Rostow (voir p. 318), avant l'édition de son ouvrage controversé, Les Phases de la croissance économique, par Cambridge University Press, en avait exposé les grandes lignes à Cambridge dans une série de cours dont l'Economist, de Londres, a publié une version abrégée.On en lira ici, en deux parties, la traduction française. I. - Les cinq phases des nations -vOICI COMMENT un historien de l'économie envisage .la courbe de l'histoire moderne, considérée comme une suite de « phases de croissance ». Il s'agit à la fois d'une théorie de la croissance économique et d'une théorie partielle de l'histoire moderne. Elles s'attaquent à de nombreux problèmes. Comment et sous quelles impulsions les sociétés traditionnelles agricoles se sont-elles mises en marche vers la modernisation ? Quand et comment la croissance régulière est.-elle devenue un caractère intrinsèque de telle ou telle société ? Quelles forces ont actionné cette croissance et en ont déterminé les contours ? Quelle relation y avait-il entre l'enchaînement relatif de la croissance et les guerres ? Enfin, où les intérêts composés nous mènent-ils ? Au communisme, aux riches banlieues, à la destruction, dans la lune ? Cette théorie de la croissance est en quelque sorte une réplique à l'interprétation marxiste de l'histoire moderne. Mais elle n'implique nullement que les mondes de la politique, de l'organisation sociale et de la culture soient une simple superstructure de l'économie. Il ne faut jamais oublier la sentence de Keynes : Si la nature humaine n'éprouvait pas la tentation de prendre des risques, de satisfaction (le profit mis à part) à construire une usine, une voie de chemin de fer, une mine ou une ferme, il n'y aurait sans doute pas Biblioteca Gino Bianco • beaucoup de placements qui ne soient que le résultat d'un froid calcul. Commençons par une brève définition impressionniste des phases de croissance. On peut faire entrer toutes les sociétés dans cinq catégories économiques, à savoir : - la société traditionnelle ; - la société de transition, dans laquelle les fondations du changement s'établissent; - la société dans le processus décisif du « démarrage » ; - la société qui mûrit et dans laquelle de nouvelles méthodes et conceptions se propagent dans toute l'économie ; - la société parvenue à l'âge de la haute consommation de masse. Pour chaque pays, on peut identifier les secteurs-clés dont la force d'impulsion a dominé le démarrage, les secteurs dont le degré d'expansion a amené la société à maturité, les voies suivant lesquelles chaque société parvenue à la consommation de masse a choisi de disposer de son revenu. Bref, les « phases » ne fournissent pas une ·réponse désincarnée à un .appareil abstrait de concepts hégéliens ; elles participent de l'histoire concrète considérée à la lumière de l'économie. L'économie au sens ordinaire de marché ne suffit cependant pas ici. La demande qui, avec la technologie et la qualité de l'esprit d'entreprise, détermine le schéma des investissements et qui réagit aux changements qui en résultent pour les prix ou le revenu, n'est pas seulement l'expression de goûts et de choix privés ; elle découle aussi de décisions sociales et de la politique des gouvernements. Choix privés et publics Comment, par exemple, la société traditionnelle doit-elle réagir à l'intrusion d'une puissance plus avancée ? Avec ensemble, promptitude et
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