Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

R.L. WALKER maine. Il brûla des livres, exécuta des érudits qui n'étaient pas d'accord avec sa politique, érigea des stèles à sa propre mémoire et éleva ce monument du despotisme qu'est la Grande Muraille. A son tour, Houng Hsiou-tchouan, chef de la révolte des Taïpings (1850-64), que Mao considère comme un précurseur de son régime, commença à manifester un grave déséquilibre mental après s'être proclamé roi céleste. Paysan du Hou-nan qui n'était jamais sorti de son pays avant de parvenir au pouvoir, Mao a certes des raisons d'être impressionné par certains miracles accomplis par la science moderne dans une Chine unifiée sous son règne. Mais il est également possible qu'il approuve ceux qui - disent que tout cela est dû à sa sagesse, que ses paroles sont inspirées et sacrées. Quelques conséquences ÉTANTDONNÉque la maladie mentale et l'effOJ.?-dremenotnt si souvent accompagné le pouvoir totalitaire, une conséquence évidente du culte de Mao, désorm1is en plein épanouissement, est que tous à la fois, proches collaborateurs et peuple, alliés et monde extérieur, doivent envisager d'avoir affaire à un homme incapable d'un jugement équilibré. Nombre d'initiatives politiques récentes n'ont de sens que si on les considère ~e ce point de vue. A l'instar des empereurs ambitieux, son expérience et quelques réalisations du régime ont convaincu Mao qu'en mobilisant les masses on peut tout faire. L'agence Chine nouvelle rapportait le 30 septembre 1959 qu'ayant été témoin de l' « immense énergie des masses » · pendant un voyage d'inspection le long du Yangtsé, le président déclara : « A partir de là, toutes les tâches peuvent être remplies.» La foi de Mao en cette formule suffit à expliquer des programmes comme ceux des· hauts fourneaux de poche des communes populaires de 1958, l'année du « grand bond en avant». Tout le mérite de la méthode primitive de production du fer lui fut attribué. Bien que le projet se fût révélé un gaspillage prodigieux de main-d' œuvre et de matières premières et que le régime ait été contraint de reconnaître en août 1959 que le fer ainsi produit était de peu de valeur, l'infaillibilité de Mao ne devait pas en subir d'atteinte. Les critiques furent dénoncés comme « opportunistes de droite» et, en octobre, Tchou En-lai déclara que les petits fourneaux continueraient à fonctionner. La même foi fut incontestablement une raison majeure· de l'organisation des communes populaires qualifiées par Khrouchtchev de «réactionnaires». A propos de ces deux mouvements de masse, un diplomate chevronné aurait dit : « J'ai le sentiment que quelqu'un est entré dans le poste d'aiguillage et actionne comme un fou tous les leviers. » La suprême assurance et les ambitions du despote chinois, convaincu qu'il ne peut se tromper et que ses mots d'ordre sont des vérités Biblioteca Gino Bianco · 269 universelles, peuvent aussi expliquer certaines difficultés avec ses alliés soviétiques. Le journaliste canadien Gerald Clark qui se trouvait en Chine en 1958 rapporte que dans leurs conversations avec les diplomates les Russes« donnent l'impression de ne pas mieux comprendre les Chinois que ne les comprennent les non-communistes ». Mao a tenté par exemple à plusieurs reprises de rétablir dans le mouvement communiste international la discipline rigide à la Staline. Lors des fêtes du quarantième anniversaire à Moscou, il insista pour que la déclaration commune reconnaisse la subordination de tous au Kremlin, ce qui empêcha la Yougoslavie de signer, alors que le parti de Tito avait agréé une version plus modérée proposée par les Soviétiques. Mao se serait mis dans une rage qui frisait l'hystérie,. exigeant la signature des camarades yougoslaves. Depuis lors, le P.C. chinois a redoublé d'activité auprès des partis communistes des régions sous-développées, parfois à l'embarras des Soviétiques. La vanité de _Mao et le sentiment qu'il a de sa mission sont liés aussi à son orgueil de maître de la Chine. De même qu'autrefois les représentants des empereurs chinois dissimulaient au trône les vérités désagréables, il est possible que Mao n'ait pas été informé de l'hostilité des Tibétains et qu'il ait réellement cru que ces derniers se réjouissaient d'être « libérés » par lui. La vanité de Mao, son sens du destin de la Chine comparable aux ambitions de Staline pour la « sainte Russie », ne laissent pas d'être inquiétants. Le démographe indien Sripati Chandrasekhar notait dans un de ses articles : Le président Mao Tsé-toung, écrivait en 1939 : « En battant la Chine dans la guerre, les puissances impérialistes lui ont arraché nombre de ses possessions et une partie de ses territoires. Le Japon prit la Corée, Formose et les îles Riou-Kiou, les Pescadores, PortArthur; l'Angleterre mit la main sur la Birmanie, le Bhoutan, le Népal et Hong-kong; la France occupa l'Annam et même un petit pays comme le Portugal s'empara de Macao.» De tels écrits et leur élévation au statut canonique posent des problèmes aussi bien pour les collaborateurs de Mao que pour le monde extérieur. Les dirigeants chinois ne peuvent guère,. du vivant de Mao, défendre une politique qui soit hérétique. Sur le problème démographique, Mao a affirmé à maintes reprises qu'une «population nombreuse est une bonne chose » . Dans les rivalités sans merci d'un régime totalitaire, pareilles déclarations seraient le cas échéant utilisées contre les rivaux qui tenteraient de les ignorer. D'autre part, l'hostilité de Mao a l'égard de l'Occident et surtout des États-Unis a été constante; il a qualifié les «impérialistes» de «tigres de papier» parfaitement inoffensifs. Il est donc difficile à son allié Khrouchtchev ou à ses camarades plus évolués de préconiser un compromis sur les problèmes pendants en raison de la formidable puissance des États-Unis,

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